Le présent travail a pour objet « l’étude de la motivation de jugement en droit pénal congolais » se veut une réflexion sur la manière dont le juge répressif motiverait une décision de justice pénale. Dans cette partie introductive, nous allons présenter : la position du problème et la question du départ de la recherche, l’intérêt du sujet, la délimitation du sujet, l’orientation méthodologique et le plan sommaire. Il importe de souligner que cette étude s’inspire largement de la thèse de notre Maître en pensée.
1. Position du problème et question de recherche
Au nombre des obligations constitutionnelles et légales imposées au juge congolais en général, la pratique jurisprudentielle retiendra l’exigence de la motivation des jugements. Ceci est pour autant évident que lorsque les pertinentes dispositions de l’article 21 de la constitution congolaise stipule : « Tout jugement est écrit et motivé… », il en est de même des autres textes légaux de procédures notamment le décret du 7 Mars 1960 portant code de procédure civile en son article 23, etc…
Ce faisant souligne KATUALA KABASHALA, le non respect de l’obligation précitée par le juge constitue un motif de cassation tel qu’organisé ; poursuit-il par l’ordonnance-loi n°82-017 du 31 mars 1982 relative à la procédure devant le Cour Suprême de justice spécialement en ses articles 47 à 57 relatifs aux règles propres à laa cassation en matière pénale.
Cette réflexion est davantage crédibilisé par l’idée du professeur Théodore NGOY ILUNGA wa NSENGA, lorsqu’il estime que « motiver un jugement consiste à indiquer la base de la décision du juge, autrement dit les moyens de preuve grâce auxquels le juge a formé sa conviction ».
C’est dans cet même ordre d’idées qu’il serait impérieux de noter à la suite du professeur NGOY ILUNGA wa NSENGA que « l’obligation de motiver est une des limites, mais qui parait être la plus importante à la liberté souveraine du juge d’apprécier les faits de l’espèce et la preuve de leur établissement en droit ». En procédure civile les motifs énoncent les raisons de fait ou de droit sur lesquelles le tribunal appuie sa solution. Et en droit pénal motiver un jugement c’est indiquer les moyens de preuve qui ont emporté la conviction du juge, de sorte qu’insiste NGOY ILUNGA wa NSENGA , la mauvaise motivation ne viole pas seulement la constitution, la loi mais aussi ceci viole le principe du procès équitable.
Sans crainte de se garer dans des considérations d’ordre doctrinale, il revient de rallier à l’idée de l’obligation de motiver un jugement, celle garantie essentielle contre l’arbitraire, ce qui constitue une preuve que le magistrat ou le juge a examiné soigneusement les moyens qui lui étaient soumis et médité sa décision.
Aussi, est-il besoin de souligner que même en droit comparé, spécialement en Droit français que la motivation des jugements, en droit français il est en effet entendu que la motivation des juridiction répressives permet au prévenu de savoir pour quelles raisons il a été condamné ou à la personne mise en examen de connaitre les raisons de son placement en détention provisoire. Elle permet également d’apprécier l’opportunité d’exercer un recours contre une décision.
Cette thèse est d’autant plus confortable qu’il serait loyal d’inscrire l’illustration coutumière de la RDC qui considère que la motivation des jugements des juridictions indigènes comme étant une condition de validité de la formation d’une décision judiciaire portant la coutume.
A l’issue de ces prémisses, il est apparu opportun de rlever quelques interrogations : qu’est-ce que la motivation, quelle est son importance dans un jugement pénal et quelles sont ses conséquences en droit ?
LE FONDEMENT CONCEPTUEL DE LA MOTIVATION DES JUGEMENTS EN DROIT PENAL CONGOLAIS
La motivation est une garantie procédurale. Elle est indispensable à la qualité de la justice. Dans cette perspective, il sied de noter à la manère du professeur NGOY En effet, la motivation permet au prévenu, voir même à la victime de l’infraction, au M.P et à toute la société de s’assurer du caractère équitable des voies suivant lesquelles la décision de culpabilité ou d’acquittement a été prise.
Dans ce sens la motivation devient un rempart contre l’arbitraire des décisions du juge, en forçant celui-ci à prendre conscience de son opinion, de sa portée.
Elle permet au juge d’expliquer les raisons en fait et en droit de sa décision tout en relevant les points essentiels de dossier et les éléments du débat qui ont emporté sa conviction. Aussi, elle permet aux parties de vérifier que leur cause a été soigneusement examinée.
En motivant sa décision, le juge s’explique, justifie sa décision étymologiquement, la met en mouvement en direction des parties et des juridictions supérieures pour la soumettre à leur critique et à leur contrôle. Il ne s’agit donc pas d’une exigence purement formelle mais d’une règle essentielle qui permet de vérifier que le juge a fait une correcte application de la loi dans le respect des principes directeurs du procès.
Elle offre aux parties une base rationnelle, leurs permettant les cas échéant, de contester la décision du juge. Elle procure au plaideur une justification de la décision et permet de procéder à une analyse scientifique de la jurisprudence, enfin, elle permet à la C.S.J, juge de cassation d’exercer son contrôle.
Toutes les constitutions qui ont régit notre pays depuis son indépendance le 30 juin 1960 portent cette obligation, qui est celle de « motiver les jugements ».
La loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo stipule dans son article 188 que « tout jugement est motivé », la constitution de Luluabourg (Kananga aujourd’hui) du 1er août 1964 porte cette obligation dans son Art 23 « tout jugement est écrit et motivé ». « Tout jugement est écrit et motivé » est l’une des stipulations de l’Art 9 de la constitution du 24 juin 1967. Toutes les révisions successives contiennent cette obligation. L’acte constitutionnel d’avril 1994 contient également cette obligation qui incombe au juge de motiver sa décision. La constitution de la transition du 4 avril 2003 reprend l’obligation de motiver le jugement en son article 24 en ce terme : « tout jugement est prononcé en audience publique. Il est écrit et motivé ».
En fin, la constitution du 18 février 2006 telle que modifié à ce jour en son article 21 stipule que « tout jugement est écrit et motivé. Il est prononcé en audience publique ». L’Art 87 du C.P.P et l’Art 23 du C.P.C indiquent sommairement les mentions que doit porter un jugement.
La motivation de jugement a comme fondement l’Art 21 de la constitution du 18 février 2006 tel que modifié à ce jour. Tout jugement doit contenir sa propre justification pour éviter de contradictions entre l’acte et le motif.
11. Quelques cas des jugements motivés
Attendu que sous la présente cause RP23346/lI, la société GLOBAL BROADBAND SOLUTION Sprl, en sigle «GBS »ayant son siège social à Kinshasa au n°4630, avenue de la science dans la commune de la Gombe, immatriculée au registre du commerce sous le numéro NRC 56093 et à l’identification nationale sous le numéro 0919101N41640K, poursuites et diligences de monsieur Daniel VANDERSTRAETE, Gérant a attrait en justice par devant le tribunal de céans le cité Bruno BEAU aux fins d’obtenir, sa condamnation, aux peines prévues par la loi, assorties de son arrestation immédiate, pour faux et usage de faux, faits prévus et punis par les articles 124 et 126 du code pénal livre II, ordonner la confiscation et la destruction de l’acte faux, le condamner au paiement de la somme équivalent en francs congolais de 200.000$us à titre de dommages-intérêts pour de graves préjudices causés et mettre les frais d’instance à sa charge Attendu qu’à l’audience publique du 19/08/2013 à laquelle la cause a été appelée, plaidée et prise en délibéré, la partie citante a comparu par ses conseils, maîtres Gaby OYONS et KINDELE ANGO, respectivement avocats aux barreaux de Kinshasa/Gombe et Matete tandisque la partie citée n’a pas comparu ni personne pour son compte;
Que statuant sur l’état de la procédure, le tribunal s’est déclaré valablement saisi sur exploit régulier à l’égard du cité et sur comparution volontaire de la partie citante; Qu’à la demande de l’officier du ministère public et en application de l’article 72 du code de procédure pénale, le tribunal a retenu le défaut à charge dudit cité; Qu’il sied d’indiquer que pendant le délibéré, le tribunal a constaté l’existence au dossier d’un écrit intitulé: « Note explicative » du 19/08/2013 et réceptionné au greffe dudit Tribural le même jour, par lequel, Maître Godé KULEMFUKA a ,au nom et pour le compte du cité, développé à l’intention du Tribunal l’exception de défaut de qualité dans le Chef de la partie citante d’une part et examiné en droit les faits reprochés à son client d’autre part; Que le tribunal n’aura aucun égard et ne réservera pas de suite à cet écrit qui atteste du reste que, quoi qu’informé de cette procédure, le cité a choisi de ne pas comparaître ou de solliciter une réouverture des débats;
Attendu que fort de la lettre incriminée, entendu celle dite de complaisance, le cité a, en date du 28/12/2012, saisi le Tribunal de Grande lnstance/Gombe siégeant en matière du travail, afin d’obtenir la condamnation de la requérante au prétendu motif que son licenciement serait abusif; Attendu qu’ayant pris la parole pour son réquisitoire, le ministère public a requis la condamnation du cité à 5 ans de SPP et une amende de 100.000 F.C pour usage de faux après avoir conclu à la cristallisation de cette infraction dans le comportement du cité; Que tels sont les faits de la cause qu’il importe de discuter en Droit; Attendu que la procédure étant par défaut à l’égard du cité, le tribunal n’a pas eu droit à une autre version des faits; Du faux en écritures Attendu que l’infraction de faux en écritures s’entend de l’altération de la vérité dans un écrit quel qu’il soit, réalisée avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire et susceptible de causer un préjudice. Sa cristallisation requiert donc la réunion des éléments constitutifs ci- après:
Une altération de la vérité dans un écrit qui peut consister dans une altération de la matérialité de cet écrit, le cas notamment d’un grattage, d’une surcharge, de l’apposition d’une fausse signature (faux matériel) ou dans une altération des énonciations de l’écrit, sans que dans sa matérialité celui-ci soit falsifié (faux intellectuel) L’intention frauduleuse c’est à dire de procurer à soi-même ou à d’autres un avantage ou un profit illicite, ou l’intention méchante, celle de nuire; Et la possibilité d’un préjudice pour la victime (G.MINEUR, Commentaire du code pénal congolais, Bruxelles, 2è Ed.F Larcier, 1953, PP 285-287)
Attendu que pour le citant, doit-être considérée comme altération de la vérité, le fait de préciser dans cette correspondance que le cité avait presté avec succès au sein de la Société GLOBAL BROADBAND SOLUTION; Que dans le présent cas, le Tribunal constate que l’acte incriminé, à savoir la lettre signée par le nommé Philippe DERO contient une altération de la vérité dans la mesure où cet acte est de nature à faire croire que le cité avait travaillé avec dynamisme professionnel au sein de la société prérappelée alors qu’il n’en est rien d’une part et que de l’autre, le Directeur Général Adjoint ne pouvait pas engager ladite société sans justifier que le Directeur Général était empêché ou qu’il avait reçu son mandant;
Quant à l’élément moral, le cité a eu une intention frauduleuse qui est celle de se servir de la correspondance incriminée pour assigner la citante en justice et espérer sa condamnation à de fortes sommes d’argent; Attendu par ailleurs que, ce comportement du cité a causé ou est susceptible de causer d’énormes préjudices en ce sens qu’il a attrait la citante devant le Tribunal de Grande instance/Gombe où il a postulé des dommages-intérêts pour licenciement abusif; Qu’à la lumière de ce qui précède, le Tribunal se forge la conviction que les éléments constitutifs de l’infraction du faux sont réunis dans le chef du cité. Qu’ainsi, il dira cette infraction établie en fait et en droit à charge de ce dernier; l’en condamnera à 8 mois de SPP;
DE L’USAGE DU FAUX
Attendu qu’aux termes de l’article 126 du CPL Il, celui qui, dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, aura fait usage de l’acte faux ou de la pièce fausse, sera puni comme s’il était auteur du faux; Attendu que cette infraction suppose l’existence d’un acte faux ou d’une pièce fausse, un acte d’usage par l’agent, l’intention frauduleuse ou le dessein de nuire dans son chef, ainsi que le préjudice pour la victime;
Que dans le cas d’espèce, il ressort de l’instruction que le cité avait assigné la partie citante sous RAT 16471 devant le Tribunal de Grande lnstance/Gombe et qu’en date du 20/03/2013, il avait communiqué dans la même cause cet acte décrié et obtenu par malice. Par là, il a commis l’acte matériel d’usage du faux. Son intention était de se procurer un avantage illicite c’est-à-dire la condamnation de la citante à toutes les réparations envisageables pour licenciement abusif;
Que pour toutes ces raisons, le tribunal dira établie en fait et en droit l’infraction d’usage de faux à charge du cité Bruno BEAU, en conséquence, le condamnera à la peine de 12 mois de SPP;
1. Le défaut de motif
Il consiste à ne pas donner de motif du tout. Il s’agit d’une véritable absence de justification de la décision rendant impossible tout contrôle de la C.S.J. le principe dispositif qui régit le procès, lie les exigences de motivation aux actes de procédure (exploit introductif d’instance et conclusions) ; toutefois à défaut de contestation sur le point non expressément constaté par le juge du fond, ce juge n’est pas certainement tenu en donner des motifs autant, il ne doit pas davantage donner les motifs du motif qu’il adopte.