L’adhésion de la République Démocratique du Congo à l’OHADA, a apporté un vent nouveau au droit des affaires congolais dont les règles étaient devenues obsolètes. En effet, la vétusté du cadre légal qui caractérisait le droit congolais des affaires donnait lieu à une insécurité juridique et judiciaire préjudiciable surtout pour le secteur des investissements. Bref le droit congolais des affaires accusait beaucoup de limites.
Parmi ces limites, on peut énumérer l’incapacité de la femme mariée en matière commerciale. En effet, estimant que la famille cellule de base de toute société nécessite une attention particulière, le législateur congolais avait jugé utile de prendre des précautions quant à ce qui concerne les engagements de la femme mariée, notamment en matière de commerce ; et ce dans le but de préserver la concorde et l'harmonie conjugales.
Mais cet aspect des choses a semblé s'ériger en un obstacle majeur pour l'épanouissement de la femme, et remis en cause les acquis de la modernisation dont l'égalité des droits et des chances exprimée sous le vocable de « parité homme-femme ».
Le droit OHADA auquel a adhéré tout récemment la RDC semble prévoir une situation différente en ce qui concerne la capacité de la femme mariée en matière commerciale ; à cet effet, l’article 7 al.2 de l’Acte Uniforme sur le droit commercial dispose : « Le conjoint d’un commerçant n’aura la qualité de commerçant que s’il accomplit les actes visés aux articles 3 et 4 ci-dessus, à titre de profession habituelle, et séparément de ceux de son époux ».
L’interprétation de cette disposition a donné lieu à une controverse doctrinale opposant ceux qui estiment qu’il résulte de cette disposition que « la femme n’a pas besoin de l’autorisation de son mari, même si cette condition existe dans les dispositions relatives au mariage dans son pays » ; qu’ elle accède donc à la pleine capacité, à ceux qui pensent que cette disposition érige des conditions pour que le conjoint d’un commerçant (homme ou femme) puisse se voir reconnu la qualité de commerçant et que la femme mariée est toujours soumise à l’autorisation maritale en ce qui concerne l’exercice du commerce.
Aussi, nous proposons-nous dans le cadre du présent travail, de réfléchir sur l’incidence réelle de cette disposition sur la capacité de la femme mariée en matière commerciale.
L’Organisation de l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, L’OHADA n’est pas née de la seule initiative des seuls Chefs d’Etat africains de la Zone Franc, elle est aussi et surtout une idée, voire une exigence, des opérateurs économiques africains qui revendiquent l’amélioration de l’environnement juridique des entreprises. En effet, devant le ralentissement des investissements consécutif à la récession économique et à l’insécurité juridique et judiciaire qui sévissait dans cette région à partir des années 1980, il s’agissait de redonner confiance aux investisseurs, tant nationaux qu’étrangers, afin de favoriser le développement de l’esprit d’entreprise et attirer les investissements extérieurs .
A. Les raisons de la création de l’OHADA
Outre l’environnement économique international qui l’impose, plusieurs raisons sont généralement évoquées pour justifier la création de l’OHADA. En effet la diversité qui caractérise les législations africaines est un handicap pour la création d’un espace économique, droit du travail, droit des assurances, droit bancaire, droit de la propriété intellectuelle, etc., d’une part, et, d’autre part, cette diversité est accompagnée d’une insécurité juridique et judiciaire conséquence de la vétusté et de la caducité des législations applicables qui décourage les investisseurs privés. Enfin, l’intégration juridique présente plusieurs avantages car elle permet au continent africain de s’insérer dans les circuits des échanges internationaux.
L’idée d’harmoniser les droits africains remonte à Mai 1963 à l’occasion d’une réunion des Ministres de la Justice animée par le Pr. René David. Cette idée fut reprise par d’éminents juristes africains et elle connut un premier aboutissement au sein de l’Union Africaine et Mauricienne (U.A.M.) et dans la convention de l’Organisation Commune Africaine et Malgache (O.C.A.M.). L’article 2 de la Convention Générale de coopération en matière judiciaire conclue entre les Etats de l’OCAM, dispose : « Les Hautes Parties contractantes s’engagent à prendre toutes dispositions en vue d’harmoniser leurs législations commerciales respectives dans la mesure compatible avec les exigences pouvant résulter des exigences de chacune d’elle » ; en outre, aux termes de l’article 3 de la Convention du 5 juillet 1975 portant création du Bureau Africain et Mauricien de Recherches et d’Etudes législatives (B.A.M.R.E.L.), celui-ci « a pour objet d’apporter son concours aux Etats signataires, afin que les règles juridiques qui y sont applicables, s’élaborent dans des conditions qui permettent leur harmonisation ».
Malheureusement, l’OCAM et le BAMREL, comme nombre d’organisations africaines, n’ont pas été dotés de crédits suffisants et eurent une existence éphémère.
Il a fallu attendre 1991 pour que l’idée d’harmoniser les droits africains soit à nouveau reprise à l’occasion des réunions des Ministres des Finances de la Zone Franc, tenues d’abord à Ouagadougou (Burkina Faso) en Avril 1991, puis à Paris (France) en octobre 1991 ; à l’occasion de cette dernière réunion, les Ministres des Finances mirent sur pied une Mission composée de sept (7) membres, juristes et spécialistes des affaires, présidée par Me Kéba M’BAYE. De mars à septembre 1992, la Mission fit l’état des lieux en visitant les pays de la Zone Franc.
Le 17 septembre 1992, Me Kéba M’BAYE présente son rapport d’étape à la réunion des Ministres des Finances. Les 5 et 6 octobre 1992, les Chefs d’Etat de la Zone Franc se réunissent à Libreville ; à l’occasion de cette réunion le Président Abdou DIOUF (Sénégal) présente l’économie du projet élaboré par la Mission d’Experts. Les chefs d’Etat décident de l’étendre à l’ensemble des Etats africains et non plus seulement aux seuls Etats de la Zone Franc. Dans le communiqué final de cette réunion on pouvait lire que les Chefs d’Etat et de délégation « ont approuvé le projet d’harmonisation du droit des affaires conçu par les Ministres des Finances de la Zone Franc, décidé de sa mise en œuvre immédiate et demandé aux Ministres des Finances et de la Justice de tous les Etats intéressés d’en faire une priorité ». Les Chefs d’Etat ont ainsi adopté le rapport des sept (7) personnalités ; ils désignent un Directoire de trois (3) membres , chargé de coordonner la préparation du Traité portant création de l’OHADA.
Le Directoire prépare le projet de Traité et le soumet à la réunion des Ministres de la Justice, tenue à Libreville les 7 et 8 juillet 1993. Le projet est adopté après avoir été amendé et enrichi. Il est finalisé à Abidjan les 21 et 22 septembre 1993, par la réunion des Ministres de la Justice puis celle, conjointe, des Ministres des Finances et de la Justice, réunion précédée d’un rapport d’experts.
Enfin, le 17 octobre 1993, se tient, à Port Louis (Ile Maurice), la Conférence des Pays ayant en Commun l'usage du Français. A cette occasion le projet fut soumis à la signature des Chefs d’Etat et de délégations des pays africains francophones ; le Traité portant création de l’OHADA est signé par quatorze (14) Etats , et deux autres y adhèrent ultérieurement pour totaliser aujourd’hui seize (16) Etats parties.
Paragraphe 2. Les institutions de l’OHADA
Les différentes institutions de l’OHADA, issues du Traité révisé à Québec le 17 octobre 2008, sont: - La Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement ; - le Conseil des Ministres ; - le Secrétariat Permanent ; - la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) ; - et l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA).
Section 2. Apport de l’OHADA au droit des affaires congolais
Historiquement, les Organisations Internationales ont été les avant-gardes des institutions, et principalement l’œuvre des puissances européennes. Ce n’est qu’avec l’avancée des Organisations Internationales (OI) à vocation universelle, à la fin du 19ème siècle, et surtout, après le 2ème Guerre Mondiale, et l’avènement de l’indépendance de nombreux pays, que le régionalisme apparut dans sa particularité et sa multiplicité. Depuis, force est de constater que les Etats se regroupent de plus en plus dans des OI régionales à caractère juridique et économique, en vue de mieux identifier et évaluer les besoins de la région concernée et d’apporter une réponse plus adéquate que celle formulée sur le plan universel. »
Certains auteurs parlent même de ‘phénomène de mondialisation’ : « Il est indéniable que notre planète enregistre un vaste mouvement de mondialisation de l’économie et du droit en même temps que se maintient et se développe une dynamique de régionalisation des normes juridiques qui soutient ou tente de limiter le phénomène de globalisation.»
Le droit OHADA offre à ce titre des perspectives nouvelles à la RDC dont les avantages sont indéniables en ce sens que le Traité de l’OHADA précise que dès que les Actes uniformes sont adoptés par le Conseil des Ministres, ils entrent en vigueur, ils font partie du droit interne de chacun des pays de l’OHADA. Les parlements et les gouvernements des Etats-parties n’ont aucune démarche supplémentaire à engager dans ce sens.
Les avantages que tire la RDC de son adhésion à l’OHADA résultent du but même de cette organisation. En effet, le but de l’OHADA est de créer une sécurité juridique et judiciaire et, aussi d’après certains, de favoriser l’investissement venant de l’étranger.
Paragraphe 1. La sécurité juridique et judiciaire du système OHADA
La sécurité juridique dont bénéficie la RDC en adhérant à l’OHADA se comprend mieux lorsqu’on analyse les actes uniformes. Puisqu’il s’agit d’un droit des affaires nous pouvons alors grouper les Actes d’une manière très pratique. Dans une première catégorie figurent les Actes Uniformes régissant les opérations commerciales. La seconde catégorie comprend les Actes permettant l’établissement et régissant le fonctionnement des entre prises commerciales. Les Actes de la troisième catégorie règlent comment résoudre les problèmes en cas de dispute ou d’autre difficulté.
Ce Droit Commercial Général apporte sa clarté d’expression à une grande partie des activités commerciales. Néanmoins, il faut reconnaître que le droit de l’OHADA ne peut pas répondre à tous les besoins car il existe dans une réalité économique, sociale et surtout, politique. Pour cette raison, ce droit n’a pas encore su s’épanouir complètement car il ne domine pas toutes les données. Pour vous citer un exemple important : cet Acte sur le droit commercial offre la promesse de transparence par son Registre, mais celui-ci ne fonctionne pas encore comme prévu.
CHAPITRE II. LE DROIT OHADA ET LA CAPACITE DE LA FEMME MARIEE EN RDC
L’adhésion de la RDC à l’OHADA, a donné lieu à une vive controverse autour de la question de la question de la capacité de la femme mariée. Certains auteurs estiment en effet que la femme mariée a accédée à la pleine capacité juridique et n’a plus besoin de ce fait de l’autorisation maritale pour accomplir les actes juridiques de son choix ; d’autres par contre sont d’un avis contraire et soutiennent que l’adhésion par la RDC au système du droit OHADA n’a aucune incidence sur la capacité de la femme mariée.
Section 1. Controverses doctrinales
Pour certains auteurs , Le Droit OHADA rend la femme mariée capable pour toutes professions et que, l’abrogation des articles 488 à 451 du Code congolais de la Famille et des dispositions obscures en matière du travail par l’adhésion effective de notre pays au Traité OHADA appelle l’application directe et immédiate.
Certains auteurs de ce courant pensent que sur le terrain, la plupart des professionnels et acteurs de l’économie congolaise entretiennent un doute pourtant éclairé sur certains points du droit congolais des affaires ayant subi de « facto et de jure », une abrogation en application des dispositions des Actes uniformes.
Ce courant fonde son argumentaire sur deux dispositions légales à savoir : l’article 10 traité OHADA et l’article 7 de l’Acte Uniforme sur le Droit Commercial.
A. De l’article 10 du Traité OHADA
L’article 10 du Traité OHADA dispose : « les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats Parties nonobstant toute disposition de droit interne antérieure ou postérieure. Cet article à portée abrogatoire met fin aux débats et incertitudes quant à l’incapacité de la femme en matière d’exercer les activités commerciales.
En effet, conformément à l’article 215 de la Constitution de la RDC du 18 février 2006 qui dispose que : « les traités et accords internationaux régulièrement conclus ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque traité et accord, de son application par l’autre partie », et du principe de « pacta sunt servanda », toutes les dispositions du droit congolais contraires au droit OHADA tombent caduque.
De ce fait, la portée abrogatoire du traité, ne doit souffrir d’aucune contradiction et que L’incapacité de la femme mariée fait désormais l’objet d’un débat dépassé et apparaît comme antinomique depuis le 13 septembre 2012 .
B. De l’article 7 al.2 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général
L’alinéa 2 de l’article 7 précité dispose que « le conjoint d’un commerçant n’aura la qualité de commerçant que s’il accomplit les actes visés aux articles 3 et 4 ci-dessus, à titre de profession habituelle et séparément de ceux de son époux » (le nouvel Acte uniforme enlève « habituelle »). Les tenants de l’évolution estiment que pouvait se déduire de cette disposition que « la femme n’a pas besoin de l’autorisation de son mari, même si cette condition existe dans les dispositions relatives au mariage dans son pays ».
Pour rappel sur base des articles 448 à 452 du Code congolais de la Famille, la femme devait obtenir l’autorisation de son mari pour tous les actes juridiques dans lesquels elle s’obligeait à une prestation qu’elle devait effectuer.