I
UNIVERSITE CATHOLIQUE DE BUKAVU
B.P : 285
BUKAVU
FACULTE DE DROIT
DEPARTEMENT : DROIT PUBLIC
DE LA REPRESSION DES VIOLENCES SEXUELLES :
CAS D’UN AUTEUR ET D’UNE VICTIME MINEURS
Présenté par MUGISHO NTAHALIZA Mon Espoir
Travail de fin de cycle présenté en vue de l’obtention du
diplôme de graduat en Droit.
Encadreur : Ass. AHADI BYUMANINE Elie
ANNEE ACADÉMIQUE : 2019-2020
EPIGRAPHE
Défendre, c’est d’abord contrôler la façon dont la justice est rendue ; exiger le respect des formes de la procédure avant même de vérifier l’exactitude des faits et l’application stricte de la loi pénale. C’est veiller à ce que l’on ne juge pas comme un ennemi celui qui est accusé mais comme un membre de la famille qui a commis une faute. La défense consiste à réintégrer dans la communauté des hommes celui qui doit être jugé, voire puni.
Henri LECLERC
IN MEMORIAM
En chroniques de tous ceux qui nous ont abandonné et nous ont laissé une empreinte indélébile :
Ma grande sœur Espérance NTAHALIZA
Mes grands-parents : ZIHINDULA CIZENGA, Albert NYANGAKA, Nyabadeux M’MUHUKU
et M’NTABALIZI
Au père Jeeph Baba antony
DEDICACE
A mes parents, mes frères et sœurs, mes beaux-frères et belles sœurs, pour tous les efforts, la
patience et affection que vous avez manifestés envers nous, sans oublier votre assistance ;
A la famille papa Leonard BAGUMA pour l’amour et le soutien qu’elle ne cesse également
d’afficher à notre égard ;
A mon camarade Alfred MUKENGERE qui a consenti beaucoup d’efforts pour ses relectures minutieuses et son attention constante dans la réalisation de ce travail ;
A ma charmante et lumineuse future épouse ; A toi ma future progéniture ;
A tous les BASHEBESHE et les BISHAZA ; Je dédie ce travail.
REMERCIEMENTS
Nous rendons grâce au Seigneur Tout puissant pour nous avoir accordé vie, sagesse, intelligence et prospérité au long de notre travail.
Qu'il nous soit permis de remercier en premier lieu l’assistant AHADI BYUMANINE Elie pour s’être attentionné à la direction de ce travail. A travers ses critiques, ses remarques, ses encouragements et ses directives, il nous a permis de surmonter des multiples obstacles. Nous restons convaincus que sans son sens d’écoute et son soutien scientifique, ce travail ne pouvait pas toucher à son issue.
Nous profitons de cette occasion pour rendre également hommage aux autorités de l’Université Catholique de Bukavu et particulièrement celles de la faculté de Droit pour leur apport remarquable dans notre éducation du savoir juridique.
A nos parents, NTAHALIZA ZIHINDULA et Déodatte NABUCHI NYANGAKA, nous disons merci pour tous les sacrifices consentis dès le premier jour de notre vie jusqu’à présent malgré nos caprices et nos faiblesses.
Nous remercions nos frères et sœurs pour leurs encouragements et leur amour fraternel qui ne cessent de nous réconforter pendant des moments difficiles. L’image que nous gardons en vous ne saurait jamais nous quitter. S’il nous reste quelque chose de nous dans ce monde, ce serait bien plus la trace de ce que nous avions écrit que le souvenir de ce que nous avions fait.
Nous ne passerons pas sous silence l’appui de tous les camarades pour tant de souffrances endurées ensemble durant le premier cycle de notre vie estudiantine. Nous voilà en ce jour récolter ce que nous avions semé. Le courage, la détermination, la persévérance et la confiance en nous même étaient une arme bien aiguisée.
Nous associons à ces remerciements tous les amis dont le soutien aussi bien moral qu’intellectuel était incontestablement important tout le long de notre formation de juriste, et plus particulièrement ISSA MATABARO Jean Luc qui croit en nous et avec qui nous sommes un modèle réciproque.
SIGLES ET ABBREVIATIIONS
1ère Inst : Tribunal de Première instance
Aff. : Affaire Al : Alinéa Art. : Article
B.O : Bulletin officiel
BJC. : Bulletin des Juridictions coutumières
BJI : Bulletin des Juridictions indigènes
C/ : Contre
Cass. : Cassation
CEDH : Cour Européenne des Droits de l’Homme
CSJ : Cour suprême de justice
Dir. : Directeur
ECL : Enfant en Conflit avec la Loi
Ed. : Edition
Ibidem : Même auteur, Même ouvrage, Pages différentes
Idem : Même auteur, Même ouvrage, Même page
J.O : Journal officiel
LGDJ : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence
LO : Loi organique Loc. cit : Loco citato MP : Ministère public O-L : Ordonnance-loi
OMP : Officier du Ministère public
OMS : Organisation mondiale de la Santé
Op Cit : Opus Citatum
P. : Page
PP : Pages
Prof. : Professeur
PUA : Presses Universitaires Africaines PUC : Presses Universitaires du Congo PUF : Presse Universitaire de France
RDC : République démocratique du Congo
RECL : Registre des Enfants en Conflit avec la Loi
RJCB : Revue juridique du Congo belge
RP : Rôle pénal
RPA : Rôle pénal d’Appel
SPP : Servitude pénale principale
TPIR : Le tribunal pénal international pour le Rwanda
TPIY : Le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie
UCB : Université catholique de Bukavu UCL : Université catholique de Louvain UE : Union européenne
ULG : Université de Liège
UOB : Université officielle de Bukavu
INTRODUCTION
1. PROBLEMATIQUE
La répression des atteintes à la moralité sexuelle remonte dans les temps les plus reculés. On peut même affirmer qu’elle est aussi ancienne que toute communauté humaine qui, à l’origine, observait essentiellement des tabous relevant de la moralité sexuelle ; domaine où la magie, la religion et la morale entretenaient avec le droit répressif des relations étroites1.
Les violences sexuelles sont une violation grave des droits de l’homme. Elles sont fréquentes dans toutes les sociétés humaines et dans les contextes les plus variés. En effet, le droit coutumier était très significatif à l’égard de ces atteintes parce que c’est à lui que revenait le monopole de sanctionner pénalement les atteintes les plus graves (le viol, l’adultère, etc.) mais également celles moins graves (le fait d’épier les femmes qui se baignent nues, d’avoir les relations sexuelles avec une femme dans une maison appartenant à autrui sans l’autorisation de son propriétaire, etc.)2.
Avec le temps, les gardiens de la tradition ont commencé à abuser des pouvoirs leur reconnus d’infliger les sanctions pénales – et éventuellement civile – aux personnes reconnues coupables de ces faits ci-indiqués. C’est face aux abus des chefs coutumiers qu’on s’était vite retrouvé devant un danger de la liberté et de l’exagération des atteintes sexuelles.
Au regard de cela, le législateur, dans l’intérêt même de la communauté traditionnelle, a été contraint d’intervenir pour limiter ces atteintes et préserver l’ordre public. L’intervention du législateur congolais est traduite par l’adoption et la promulgation du décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais qui prévoit et punit l’infraction de viol3, cette infraction étant assimilée aux atteintes à la moralité sexuelle. Il résulte de la lecture de ces dispositions du code pénal que le législateur congolais n’avait pas défini le viol. Il s’est tout simplement borné à souligner que sera puni d'une servitude pénale de cinq à vingt ans celui
qui aura commis un viol, soit à l'aide de violences ou menaces graves, soit par ruse, soit en
1 G. LUKULIA BOLONGO, Droit pénal spécial zaïrois, Tome 1, 2ième Ed, Paris, L.G.D.J., 1985, p. 325
2 Cheff. Mwana Mwadi, B.J.C., 1962. 123 ; Luba Katanga, Songye. Jadotville n° 1306, 17 septembre 1950, B.J.I. ,1954. 182.
3 Voir articles 170, 171 et 171bis du Décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais, in JORDC, 45ème
année, Numéro spécial, Kinshasa, 30 novembre 2004.
abusant d'une personne qui, par l'effet d'une maladie, par l'altération de ses facultés ou par toute autre cause accidentelle, aurait perdu l'usage de ses sens ou en aurait été privée par quelque artifice. En plus, il considère que le viol sera commis avec violence toutes les fois qu’il porte sur la personne ou à l'aide de la personne d'un enfant âgé de moins de quatorze ans4. L’absence d’une définition légale de viol a amené la jurisprudence et la doctrine à définir le viol comme étant la conjonction sexuelle que l’homme peut imposer à la femme avec la violence5.
Avant la loi de 2006 sur les violences sexuels, l’incrimination du viol ne pouvait être reprochée qu’à l’homme. La jurisprudence avait considéré qu’il parait impossible qu’une femme puisse contraindre un homme à avoir des relations sexuelles avec elle en usant de violence6 et était arrivée à la conclusion selon laquelle seule la femme ne pouvait être que victime de cette incrimination.
C’est avec la réforme du 20 juillet 2006 que le législateur congolais parle expressément des infractions des violences sexuelles auxquelles il attache des peines plus sévères. Parmi les réformes opérées, il y a celle qui consacre le fait que l’homme et la femme peuvent être à la fois victimes et auteurs des violences sexuelles. Cette réforme découle de la loi n° 06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais et de la loi n°06/019 de la même date modifiant et complétant le décret du 06 août 1959 portant code de procédure pénale congolais.
Selon l’article 170 du code pénal congolais actuel, « Aura commis un viol, soit à l’aide de violences ou menaces graves ou par contrainte à l’encontre d’une personne, directement ou par l’intermédiaire d’un tiers, soit par surprise, par pression psychologique, soit à l’occasion d’un environnement coercitif, soit en abusant d’une personne qui, par le fait d’une maladie, par l’altération de ses facultés ou par toute autre cause accidentelle aurait perdu l’usage de ses sens ou en aurait été privé par quelques artifices : tout homme, quel que soit son âge, qui aura…». Malgré les modifications introduites dans le code pénal congolais
par la loi de 2006, il est aisé de constater que le législateur congolais ne donne non plus la
4 Articles 170, 171 et 171bis du Décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais, in JORDC, 45ème année, Numéro spécial, Kinshasa, 30 novembre 2004.
5 G. LUKULIA BOLONGO, Op cit, p. 328.
6 1ère Inst., Elisabethville., 1er aout 1952, R.J.C.B., 1953, p. 86.
définition du viol. Ce qui conduit, comme sous l’empire du code pénal avant les modifications opérées, la jurisprudence appuyée par la doctrine à définir le viol comme étant « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte, menace ou surprise »7.
Le viol est encore plus incriminé lorsqu’il est commis sur la personne de l’enfant. L’enfant est toute personne âgée de moins de 18ans8. La majorité sexuelle est aussi portée à 18 ans révolus. Et de ce fait, ne peut consentir aux rapports sexuels que les personnes majeures. Il s’en suit que toute relation sexuelle passée entre une personne majeure et celle mineure est constitutive de viol car elle est dépourvue de consentement.
Si l’infraction de viol est établie entre un majeur et un mineur, et la peine prévue étant applicable, la question se pose avec moult délicatesse lorsqu’il s’agit des enfants mineurs qui sont en cause au regard du fait que les uns bénéficient, en matière pénale, d’une présomption irréfragable d’irresponsabilité9 alors que les autres engagent, en matière pénale, une responsabilité atténuée10.
Eu égard à ce qui précède, la question suivante survient à l’esprit au sujet de la répression des violences sexuelles dans l’aspect d’un auteur et d’une victime mineurs : Au regard de la législation pénale en R.D.C., pourrait-on envisager les faits de viol dont l’auteur et la victime sont mineurs comme étant un manquement à la loi pénale dans le chef de l’auteur ? Et dans l’affirmative, comment le juge devrait-il se comporter ?
2. HYPOTHESE
Les différentes infractions de violences sexuelles étant prévues et punies par la loi pénale et le législateur ayant instauré un régime de responsabilité pénale atténuée pour les enfants âgés de
plus de 14 ans révolus, ceci nous amène à affirmer que les faits de viol dont l’auteur et la
7 P. MUHINDO MAGADJU, Droit pénal spécial, U.C.B., Faculté de droit, Cours de deuxième année de graduat, Inédit, 2018-2019, p.60.
8 Article 2 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, in JO/RDC, n° Spécial, 50ème année, Kinshasa - 25 mai 2009.
9 Art 95 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, in JO/RDC, n° Spécial, 50ème année, Kinshasa - 25 mai 2009.
10 Concept « Enfant en conflit avec la loi » repris aux articles 99 al.1 et 2 : 9° de la loi n° 09/001 portant
protection de l’enfant, in JO/RDC, n° Spécial, 50ème année, Kinshasa - 25 mai 2009.
victime sont mineurs seraient un manquement à la loi pénale car, il y a trouble à l’ordre
public.
Dans ce cas, le juge devrait faire une prompte application des dispositions de la loi portant protection de l’enfant portant sur les faits de viol. Contrairement à l’application conjointe des articles 170 et 171 de cette dernière pour le viol entre mineurs, le juge devrait appliquer les articles 171 et 115 pour ce manquement11.
3. METHODOLOGIE
Tout travail scientifique exige l’utilisation des méthodes et des techniques pour mener à bon port une investigation qui puisse aboutir à des bons résultats. Une méthode est une opération ou une démarche organisée et rationnelle de l’esprit pour arriver à un certain résultat12. La technique est un instrument utilisé pour expliquer la méthode13.
Dans le cadre de ce travail, nous appliquons essentiellement la méthode juridique et celle historique que nous appuyons par la technique documentaire.
La méthode juridique, dans son approche exégétique, consiste à interpréter les textes de lois en recherchant la volonté du législateur pour parvenir à une solution sur une question de fond qui se pose. Elle nous permet de faire une analyse systématique des textes de loi faisant objet de notre thématique en vue d’en saisir le sens et la portée. L’approche casuistique de cette méthode nous permettra de faire l’analyse de certains jugements se rapportant à notre thématique sous examen.
La méthode historique consiste à éclairer un texte en le replaçant dans le contexte de son élaboration14. En l’espèce, elle nous permet de clarifier la naissance de la répression des violences sexuelles et son évolution à travers le temps et l’espace.
11 Plus loin, nous allons montrer que l’analyse de l’élément matériel de ce manquement pose en ce que les enfants de moins de 18ans sont dépourvus de la capacité de consentir à la consommation de l’acte sexuel.
12 A. NYALUMA MULAGANO, Initiation à la recherche scientifique, UCB, Faculté de droit, Cours, inédit,
2013-2014, p. 8.
13 R. PINTO et M. GRAWITZ, Méthodes de recherche dans les sciences sociales, tome 2, Paris, Dalloz, 1964, p.20.
14 A. NY. MULAGANO, Ibidem, p. 25.
Nous faisons enfin recours à la technique documentaire, grâce à laquelle nous faisons la revue de la doctrine, de la législation et de la jurisprudence utilisées dans le cadre de ce travail.
4. CHOIX ET INTERET DU SUJET
Le choix de ce sujet est dicté par l’intérêt qu’il présente. Ce sujet présente un triple intérêt à
savoir : scientifique, pédagogique et social.
Sur le plan scientifique, ce travail s’inscrit dans la perspective d’apporter un éclairage sur la question de la répression des faits de violences sexuelles entre un auteur et une victime mineurs en droit congolais. Il s’agit concrètement de chercher à savoir, à travers la législation congolaise, si les faits de violences sexuelles commis par un auteur mineur sur une victime mineure lui sont imputables, en ce sens que les deux sont dépourvus de consentement à l’acte sexuel.
Sur le plan pédagogique, les résultats de nos recherches vont approfondir nos connaissances quant à la matière de l’incrimination des violences sexuelles telles qu’étudiées dans le cours de droit pénal général et droit pénal spécial mais aussi les notions apprises dans le cours de droit de la protection de l’enfant.
Sur le plan social, ce travail pourra permettre à toute personne intéressée de le lire de savoir si les faits de violence sexuelle seront imputés à un auteur mineur sur une victime aussi mineure âgés de moins de 14 ans et tous deux étant dépourvus de consentement et de responsabilité mais aussi à s’imprégner des modalités de l’incrimination des violences sexuelles lorsque deux enfants - dépourvus de consentement à l’acte sexuel - sont concernés.
5. DELIMITATION DU SUJET
Notre travail porte sur la répression des violences sexuelles : cas d’un auteur et d’une victime mineurs. Cette étude sera abordée spatialement dans le contexte de la RDC, en se référant à la loi n° 06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais, celle n°06/019 de la même date modifiant et complétant le code de procédure pénale et la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant. Cependant, une attention particulière sera portée sur la ville de Bukavu en examinant, le cas
échéant, la jurisprudence de la juridiction compétente en la matière qui y siège. Ces lois sus invoquées constituent la délimitation temporaire et matérielle de ce travail.
6. PLAN SOMMAIRE
Ce travail comporte, outre l’introduction et la conclusion, deux chapitres subdivisés en
sections et éventuellement, ces dernières en paragraphes.
Le premier chapitre qui traite des généralités sur les violences sexuelles présentera les différentes acceptions des violences sexuelles (section 1), les différentes variétés d’infractions découlant des violences sexuelles (section 2), l’étude de l’incrimination de viol particulièrement (section 3) et la conclusion partielle (section 4).
Le second chapitre quant à lui va s’appesantir sur le viol entre mineurs qui va s’atteler à répondre à la question de savoir si l’acte sexuel consommé entre 2 mineurs est un manquement à la loi pénale (section 1) d’une part et l’examen du manquement de viol où les deux mineurs se sont convenus et celui où ils ne sont pas convenus pour consommer l’acte sexuel (section 2) d’autre part. Une conclusion partielle sera nécessaire pour résumer ces notions (section 3).
CHAPITRE 1. GENERALITES SUR LES VIOLENCES SEXUELLES
S’intéresser à une notion, c’est cogiter à la représentation que l’on s’en fait ou que l’on devrait s’en faire15. Une notion est, en effet, un objet abstrait de connaissance16, auquel on peut apporter une touche personnelle. CONDILLAC énonçait ainsi « J’appelle […] notion, toute idée qui est notre propre ouvrage […] »17.
De ce fait, étudier la notion de violences sexuelles, c’est donc avant tout compulser ses acceptions essentielles (section 1). Ceci s’inscrit dans ce que pense le professeur Evariste BOSHAB estime que : « Sans définition, la science juridique perd de son éclat et subit l’influence d’autres sciences humaines qui ont du mal à assumer leur identité »18. Il importe de donner les différentes variétés d’infractions (section 2) découlant de cette notion car elle est générique et englobe d’autres notions pouvant faire l’objet de tant de travaux scientifiques pour finir par interroger sur l’infraction de viol (section 3) étant au carrefour de notre recherche. Aussi, sera-t-il nécessaire de résumer, au bout du compte, toutes ces notions (section 4).
Section 1. Acceptions des violences sexuelles
Sous cette section, il est abordé la définition (§1), l’origine et l’évolution (§2), la base légale
(§3) et le régime juridique (§4) des violences sexuelles.
§1. Définitions des violences sexuelles
L’OMS définit la violence sexuelle comme tout acte sexuel, tentative pour obtenir un acte sexuel, commentaire ou avances de nature sexuelle, ou actes visant à un trafic ou autrement
dirigés contre la sexualité d’une personne utilisant la coercition, commis par une personne
15 E. BARON, La coaction en droit pénal, Thèse doctorale, Université Montesquieu - bordeaux iv, Faculté de droit, 2011-2012, p. 35.
16 Le Nouveau Petit Robert de la langue française, 2008.
17 CONDILLAC, Connaissances humaines, I, in BRUNOT, Histoire de la langue française, t. VI, A. Colin,
1966, p. 10.
18 E. BOSHAB, Entre révision constitutionnelle et inanition de l’Etat, Bruxelles, Larcier, 2013, p. 16, cité par E. AHADI BYUMANINE, De la pratique des opinions dissidentes en droit congolais : vers l’abandon du secret du délibéré ?, mémoire, UCB, faculté de droit, 2017-2018, p.7.
indépendamment de sa relation avec la victime, dans tout contexte, y compris, mais s’en s’y
limiter, le foyer et le travail »19.
La contrainte vise le recours à la force à divers degrés. En dehors de la force physique, l’agresseur peut recourir à l’intimidation psychologique, au chantage ou à d’autres menaces (par exemple, la menace de blessures corporelles, le renvoi d’un emploi ou la menace de ne pas obtenir un emploi recherché). La violence sexuelle peut survenir alors que la personne agressée est dans l’incapacité de donner son consentement parce qu’elle est ivre, droguée ou incapable mentalement de comprendre la situation20.
Pour Dominique Trottier, la définition de violence sexuelle selon l’O.M.S. souligne, d’une part, que les violences sexuelles comprennent un large éventail de comportements de nature sexuelle commis à l’endroit d’une personne non consentante ou qui n’est pas en mesure de consentir et, d’autre part, elle précise que des stratégies coercitives de nature sexuelle peuvent être adoptées sans que le comportement perpétré satisfasse les critères légaux liés aux infractions criminelles21.
Comme on peut le remarquer, la définition de l’OMS est assez large, mais il existe des définitions plus restrictives. Par exemple, aux fins de recherche, certaines définitions de la violence sexuelle sont limitées aux actes qui font intervenir la force ou la menace de violence physique. L’Étude multipays de l’OMS a défini la violence sexuelle comme étant des actes par lesquels une femme a été physiquement forcée à avoir des rapports sexuels contre sa volonté ; a eu des rapports sexuels contre sa volonté parce qu’elle avait peur de ce que pourrait faire son partenaire ; a été contrainte à une pratique sexuelle qu’elle
trouvait dégradante ou humiliante22. Cette dernière définition reste sans influence pour notre
19 World Health Organization. Violence against women – Intimate partner and sexual violence against women. Genève, Organisation mondiale de la Santé, 2010.
20 E. JOSSE, Les violences sexuelles : Définitions d’un concept multiforme, Médecins Sans Frontières-Belgique,
2006, p.4. disponible sur https://www.resilience-psy.com/IMG/pdf/definitions-viol-net.josse.pdf consulté le 14 décembre 2019 à 14h00.
21 D. Trottier, État des connaissances sur la violence sexuelle : définition, prévalence et enjeux entourant la dénonciation, disponible sur https://www.ordrepsy.qc.ca/obtenir-un-permis consulté le 12 décembre 2019 à
21h04.
22 C. Garcia-Moreno et al. Étude multipays de l’OMS sur la santé des femmes et la violence domestique à l’égard des femmes : premiers résultats concernant la prévalence, les effets sur la santé et les réactions des femmes. Genève, Organisation mondiale de la Santé, 2005, consulté sur https://apps.apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/86236/WHO-RHR-12.37-
recherche car, non seulement elle ne se conforme pas à la législation pénale actuellement en vigueur en R.D.C. mais aussi elle est concise dans l’appréhension ancienne du viol selon laquelle seule la femme devrait être victime de cette infraction.
Afin de lever la confusion courante entre violences sexuelles et violences sexistes, rappelons que les violences sexistes sont des actes de discrimination perpétrés en raison du sexe biologique de la personne, en l’occurrence le sexe féminin. Ces violences sexistes peuvent se manifester sous forme d’agressions verbales, psychologiques, physiques ou sexuelles. Les violences sexuelles sont des agressions en rapport avec la sexualité de l’agresseur et de l’agressé23.
Etant donné que la violence sexuelle couvre les actes allant du harcèlement verbal à la pénétration forcée, ainsi que des formes de contrainte très variées allant de la pression et de l’intimidation sociale jusqu’à la force physique, il est impérieux d’examiner, dans ce paragraphe, les différentes faces de la violence sexuelle (I) et les différents contextes où s’exercent les violences sexuelles (II).
I. Différentes faces de la violence sexuelle
Les formes, allant du rapport forcé à l’exploitation sexuelle en passant par des traditions dommageables, que revêt la violence sexuelle ainsi que les contextes (divers milieux en temps de paix, situations de conflits armés) dans lesquels elle s’exerce sont multiples et variés. Elle concerne tous les individus quel que soit leur sexe ou leur âge. Ce polymorphisme autorise à parler des violences sexuelles24.
Les différentes formes de violences sexuelles sont : le viol, les agressions sexuelles sans contact, la prostitution forcée et la traite des êtres humains à des fins sexuelles
et les violences sexuelles « coutumières »25.
fre.pdf;jsessionid=7436854D7AA19A4AB5471B766B4768D6?sequence=1 consulté le 13 décembre 2019 à
19h30.
23 M. JASPARD, les violences contre les femmes, Edition la découverte, collection Repères 2011, disponible sur https://www.cairn.info/les-violences-contre-les-femmes consulté le 14 décembre 2019 à 14h06.
24 E. JOSSE, Op. cit, p.6. disponible sur https://www.resilience-psy.com/IMG/pdf/definitions-viol-net.josse.pdf
consulté le 14 décembre 2019 à 14h00.
25 Parmi les violences sexuelles coutumières, nous pouvons citer, en se référant aux sociétés traditionnelles, le mariage précoce, le mariage imposé, le lévirat, le sororat, le mariage forcé à titre de dédommagement, le mariage des filles violées, l’initiation sexuelle forcée, les mutilations sexuelles, le contrôle du corps des femmes par les
Elles peuvent être commises à l’égard : des femmes, des hommes, des enfants (garçons et filles), des vulnérables (adultes et enfants, de sexe féminin ou de sexe masculin : handicapés physiques et personnes malades, handicapés mentaux, enfants, personnes âgées)26.
II. Différents contextes où s’exercent les violences sexuelles
Les violences sexuelles existent partout dans le monde. Les femmes et les enfants, généralement plus vulnérables dans les situations précaires, sont aussi ceux qui souffrent le plus des violences sexuelles.
Les différents contextes où s’exercent le plus fréquemment les violences sexuelles sont : le foyer, les grands centres urbains, les lieux de travail, les établissements scolaires, le milieu médical, les conflits armés, les lieux de détention.
§2. Origine et évolution des violences sexuelles
Le phénomène criminel est une donnée immortelle de l’histoire de l’humanité. La lutte contre la criminalité, en vue d’assurer la paix publique, est une des fonctions essentielles de l’Etat. C’est pourquoi pour la survie du groupe, l’Etat édicte des lois. L’Etat définit les comportements interdits. Il sanctionne les membres de la société qui adoptent des comportements prohibés. L’Etat s’appuie alors sur la présomption de la connaissance de la loi. Cette présomption est contenue dans la règle « nemo censetur ignorare legem » (nul n’est censé ignoré la loi)27.
La sexualité est un phénomène social qui a été plus ou moins réglementé selon les époques, les sociétés, les cultures, etc. Les violences sexuelles sont réprimées depuis très longtemps mais avec une sévérité plus ou moins importante et leurs définitions se sont
également précisées au fil du temps.
hommes, le viol comme punition culturelle, le viol des vierges, les relations entre beau-père et belle-fille, les actes sexuels rituels imposés par la sorcellerie.
26 E. JOSSE, Op. cit, p.6. disponible sur https://www.resilience-psy.com/IMG/pdf/definitions-viol-net.josse.pdf consulté le 14 décembre 2019 à 14h00.
27 B. CIZUNGU MUGARUKA, Les infractions de A à Z, volume 1, Kinshasa, Edition Laurent, 2001, p.4.
Dans l’histoire de l’humanité, dès les premiers écrits, on constate que le viol et l’inceste sont soumis à des sentences de justice, comme en témoigne le code d’Hammourabi28, 6ème roi de Babylone, aux environs de 1792-1750 avant Jésus Christ.
Dans l’Antiquité, les hommes ne se définissent pas selon une orientation sexuelle. Les concepts d’hétérosexualité, d’homosexualité et de bisexualité sont des concepts modernes qui n’existent pas à cette époque. Le mot « sexe » n’est d’ailleurs apparu qu’au XIIème siècle, suivi au XVIIIème du mot « sexuel » qui précéda au XIXème, le mot « sexualité ». On utilisait auparavant souvent le mot « corps » pour désigner le sexe.
Au moyen âge, les châtiments pour les péchés sexuels pouvaient ainsi varier de quelques jours à plusieurs années de jeun plus ou moins restrictif jusqu’à l’excommunication des laïcs, ou l’enfermement des clercs dans un monastère en fonction de la gravité des péchés. Bref, à cette époque, on commence à sanctionner les crimes sexuels (l’inceste, la fornication c'est-à-dire les relations sexuelles hors mariage, la polygamie, l’adultère, la sodomie, la bestialité) car ils vont contre l’ordre divin. Le vol est à cette époque, un crime plus grave qu’un viol qui appartient à l’univers de l’impudeur avant d’appartenir à celui de la violence, d’où la rareté des plaintes et des condamnations29.
Pendant l’époque moderne, au début du 20ème siècle, l’agresseur sexuel devient pour la première fois, le sujet d’investigations spécifiques avec une approche psychiatrique. Les études du professeur Paul Brouardel, un médecin spécialisé dans le viol d’enfant seront publiées à titre posthume en 1909, dans un livre intitulé « les attentats aux mœurs ».
A la fin du XVIIIème siècle, le crime sur l’enfant tend à représenter le viol dans les tribunaux mais les dossiers ne dépassent pas 1% des procès. Les viols sont davantage traités en règlements de compte plus qu’en judiciarisation. La fille incestueuse n’est plus
condamnée. Pour la première fois, le viol appartient aux crimes et attentats contre les
28 A titre d’exemple, voici la traduction de quelques articles du code :« Si un homme viole la fiancée d’un autre alors qu’elle est vierge et qu’elle vit toujours chez son père et s’il est surpris, il est mis à mort et la femme est non coupable » (art.130).
« Si un homme « a connu » sa fille, il sera exilé, banni de la ville ; s’il a couché avec la fiancée de son fils, il sera ligoté et jeté à l’eau ; si une mère et son fils couchent ensemble, ils seront brûlés vifs » (art.154).
29 P. LEMOINE, Evolution du concept de violence sexuelle à travers l'histoire, p.5. disponible sur https://www.santementale.fr/inc/ddldoc.php?files/LEMOINE-P.pdf consulté le 18 décembre 2019 à 14h20.
personnes. Il est distinct des crimes et délits contre les propriétaires. Les peines se limitent à une compensation financière ou au fouet, en fonction de l’appartenance sociale de la victime et de celle de l’accusé30.
L’histoire du droit pénal renseigne que le code pénal, dans sa version de 1810, a généralement marqué une séparation définitive de l’acte immoral et l’acte moral, car le législateur pénal n’attendait plus s’immiscer outre mesure dans un domaine qui relève surtout de la morale individuelle31.
En 2010, le comité de Lanzarote32 impose la criminalisation de tous types d’infractions à caractère sexuel perpétrées contre des enfants. 47 états membres du Conseil de l’Europe ont signé cette convention33 et 36 états l’ont ratifiée. Aujourd’hui, les violences sexuelles sont plus dénoncées que par le passé. La législation, sous la pression sociale, est dans une logique de punir pour éviter la récidive et améliorer la reconnaissance du statut de victime.
Mais malgré les mesures répressives panchroniques, c'est-à-dire très anciennes, les violences sexuelles traversent les siècles, les codes, les lois, les savoirs, résistent aux peines, et se perpétuent. L’aspect répressif est nécessaire pour assurer la protection de la société mais il se montre aussi insuffisant pour garantir la protection des individus. Si l’interdit et la répression n’ont jamais suffi à protéger les victimes, il est nécessaire d’avoir une vision complémentaire à la répression orientée peut-être sur une prévention plus élargie qui s’adresserait à tous34 pour tenter de diminuer le nombre de crimes et délits et infléchir le
nombre des victimes.
30 P. LEMOINE, Op. cit, p.7. disponible sur https://www.santementale.fr/inc/ddldoc.php?files/LEMOINE-P.pdf consulté le 18 décembre 2019 à 14h20.
31 P. MUHINDO MAGADJU, Op. cit, p.57.
32 Comité des parties à la convention sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels,
disponible sur https://www.coe.int/fr/web/children/lanzarote-committee consulté le 18 décembre 2019 à 13h55.
33 Convention du conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels,
conclue à lanzarote le 25 octobre 2007, disponible https://rm.coe.int/1680084833 consulté le 18 décembre 2019 à
14h03.
34 Aux concernés et à leur entourage, aux auteurs et potentiels auteurs d’abus sexuels, qu’ils soient adultes,
adolescents ou préadolescents.
§3. Base légale des infractions des violences sexuelles
Les violences sexuelles ont pour fondement légal le code pénal. L’attentat à la pudeur et le viol sont prévus par les articles 167, 168, et 170, 171, 171 bis du décret du 30 janvier 1940 portant code pénal tel que modifié et complété par la loi n° 06/018 du 20 juillet 2006.
L’excitation des mineurs à la débauche, le souteneur et le proxénétisme sont définis par les articles 172, 173, 174 et 174b du décret du 30 janvier 1940 portant code pénal tel que modifié et complété par la loi n° 06/018 du 20 juillet 2006.
Les autres infractions trouvent leur incrimination dans les articles 174c,174d,
174e, 174f, 174g, 174h, 174i, 174j, 174k, 174l, 174m, 174n…du code pénal congolais tel que modifié et complété par la loi n° 06/018 du 20 juillet 2006. Elles sont une création de la loi modificative.
Enfin, certaines des infractions des violences sexuelles susmentionnées sont également reprises dans la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant à la section quatrième – des agressions sexuelles – du titre quatre sur la protection pénale de l’enfant.
§4. Régime juridique des violences sexuelles
Afin de renforcer la répression des violences sexuelles, le code de procédure pénale (Décret du 6 août 1959) a été modifié et complété par la loi nº 06/019 du 20 juillet 2006. Le but poursuivi par le législateur est d’assurer la célérité dans la répression et dans l’instruction des causes. Il s’agit également de sauvegarder la dignité, d’améliorer la protection et de garantir une assistance judiciaire aux victimes35.
Par conséquent, les infractions constitutives de violences sexuelles sont réputées flagrantes et traitées comme telles36. L’enquête préliminaire se fait dans un délai d’un mois maximum à partir de la saisine de l’autorité judiciaire. L’enquête de la police judiciaire est de portée immédiate. L’officier de police judiciaire mène son enquête sans
désemparer de manière à fournir à l’officier du Ministère public les principaux éléments
35 Exposé des motifs de la loi nº 06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 06 août 1959 portant Code de Procédure pénale congolais.
36 Exposé des motifs de la loi nº 06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 06 août 1959 portant Code de Procédure pénale congolais.
d’appréciation. Lorsqu’il est saisi d’une infraction de violence sexuelle, il en avise dans les
vingt-quatre heures l’OMP dont il relève37.
L’OMP peut faire citer devant lui toute personne dont il estime l’audition nécessaire et la personne régulièrement citée est tenue de comparaître et de satisfaire à la citation38. L’OMP ou le juge requiert d’office un médecin et un psychologue afin apprécier l’état de la victime et déterminer les soins appropriés ainsi que d’évaluer l’importance du préjudice et l’aggravation ultérieure39.
L’instruction et le prononcé du jugement se font dans un délai de trois mois
maxima à partir de la saisine de l’autorité judiciaire40.
En ce qui concerne les peines légales prévues, elles sont adaptées à la gravité des infractions. Elles varient selon la qualification infractionnelle d’un minimum de trois mois à un maximum de la servitude pénale à perpétuité. L’amende transactionnelle n’est pas d’application en matière de violences sexuelles41.
S’agissant de la juridiction compétente, le tribunal de paix est compétent pour autant que la peine maximale soit de cinq ans de servitude pénale. Le tribunal de grande instance est compétent pour les infractions à punir au-delà de cinq ans jusqu’à la peine capitale. Les juridictions militaires se conforment à leurs compétences respectives. La CPI est compétente pour les crimes les plus graves commis par les plus hauts responsables tant civils
que militaires42.
37 Articles 7bis al.1 et 2 de la loi nº 06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 06 août 1959 portant Code de Procédure pénale congolais.
38 Article 16 al.1 de la loi nº 06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 06 août 1959 portant
Code de Procédure pénale congolais.
39 Article 14bis de la loi nº 06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 06 août 1959 portant
Code de Procédure pénale congolais.
40 Article 7bis al.1 de la loi nº 06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 06 ao ût 1959 portant Code de Procédure pénale congolais.
41 Article 9bis de la loi nº 06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 06 août 1959 portant
Code de Procédure pénale congolais.
42 Le tribunal pénal international pour la Rwanda a puni la violence sexuelle perpétrée dans le cadre d’une guerre
civile, et a reconnu le viol comme un acte de génocide ainsi qu’un acte de torture(…), procès Jean Paul Akayesu,
02 octobre 1998 ; Le tribunal de la Haye dans les jugements Furundzija (Tpiy, le procureur c/ Anto Furundzija et al.n° IT-AR 73,10 novembre 1998) Celebici (Tpiy, le Procureur c/ Delacic et al., n° IT-96-21-T, 16 novembre
1998) et Kuranac (Tpiy, le Procureur c/ Kuranac et al., n° IT-96-23/2, 22 février 2001) ; cité par B. CIZUNGU MUGARUKA, Op. cit, p.615.
Par ailleurs, pour la prescription de l’action publique, elle est de droit commun selon la spécificité de l’infraction des violences sexuelles concernée. Les infractions de violences sexuelles constitutives de crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, de génocide sont imprescriptibles43.
Enfin, en matière de violences sexuelles, l’administration de la preuve est précisément réglementée. Le consentement ne peut en aucun cas être inféré des paroles ou de la conduite d’une victime lorsque la faculté de celle-ci de donner librement son consentement véritable a été altérée par l’emploi de la force, de la ruse, de la menace ou de la contrainte ou à la faveur d’un environnement coercitif44. Le consentement ne peut en aucun cas être inféré du silence ou du manque de résistance de la victime des violences sexuelles présumées45. La crédibilité, l’honorabilité ou la disponibilité sexuelle d’une victime ou d’un témoin ne peuvent en aucun cas être inférés de leur comportement sexuel antérieur46. Les preuves relatives au comportement sexuel antérieur d’une victime ne peuvent exonérer le prévenu de sa responsabilité pénale47. Des mesures nécessaires pour sauvegarder la sécurité, le bien-être physique et psychologique, la dignité et le respect de la vie privée des victimes sont prises. Il en est de même de toute autre personne impliquée. A ce titre, le huis clos est prononcé à la requête de la victime ou du Ministère public48.
Section 2. Différentes variétés d’infractions découlant des violences sexuelles
Les types des violences sexuelles sont consacrés par la réforme du 20 juillet 2006, opérée par le législateur congolais. Ce perfectionnement résulte de la loi n° 06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais et de la loi
n°06/019 de la même date modifiant et complétant le décret du 06 août 1959 portant code de
43 Selon le doctrinaire CIZUNGU MUGARUKA, Telle a été la volonté du législateur congolais fortement influencé par la jurisprudence internationale qui a inspiré le statut de la Cour Pénale Internationale dont la loi nationale sur les violences sexuelles est une émanation ; voy B. CIZUNGU MUGARUKA, Op cit, p.616.
44 Article 14ter, point 1 de la loi nº 06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 06 août 1959 portant Code de Procédure pénale congolais.
45 Article 14ter, point 2 de la loi nº 06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 06 août 1959 portant Code de Procédure pénale congolais.
46 Article 14ter, point 3 de la loi nº 06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 06 août 1959 portant Code de Procédure pénale congolais.
47 Article 14ter, point 4 de la loi nº 06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 06 août 1959 portant Code de Procédure pénale congolais.
48 Article 74bis de la loi nº 06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 06 août 1959 portant
Code de Procédure pénale congolais.
procédure pénale congolais. Ces deux lois prévoient les infractions des violences sexuelles et déterminent les modalités de leur répression.
§1. De l’attentat à la pudeur
Les dispositions de la nouvelle loi définissent l’attentat à la pudeur comme « tout acte contraire aux mœurs exercés intentionnellement et directement sur une personne sans le consentement valable de celle-ci »49. C’est un acte impudique qui ampute la pudeur, un acte réellement amoral. L’attentat existe dès qu’il y a commencement d’exécution. Toucher le sexe de quelqu’un, exhiber en public son propre sexe, porter des habits transparents jusqu’à exposer les parties intimes de son corps sont des faits à qualifier d’infraction d’attentat à la pudeur50.
§2. Du viol
Au-delà de l’intromission du sexe masculin dans le vagin de la femme, la nouvelle lettre de l’article 170 étend le viol à l’intromission d’un objet autre que le sexe de l’homme dans celui de la femme, l’intromission du sexe ou d’un objet dans un orifice autre que le vagin de la femme notamment l’anus ou la bouche, l’auteur ou la victime du viol peut bien être un homme ou une femme.
§3. De l’excitation des mineurs à la débauche, du souteneur et du proxénétisme
L’excitation des mineurs à la débauche51 est entendue comme le fait de favoriser la débauche d’enfants âgés de moins de dix-huit ans, pour satisfaire les passions d’autrui. Elle est donc une corruption des personnes mineures de l’un ou l’autre sexe.
Le proxénétisme52 est l’activité tendant à favoriser la débauche, la prostitution
d’autrui ou à en tirer profit. L’alinéa 3 de l’article 182 de la loi n° 09/011 du 10 janvier 2009
portant protection de l’enfant définit le proxénétisme à l’égard d’un enfant. C’est le fait
49 Article 167 al.1 du code pénal Livre II tel que complété et modifié par la loi n°06 / 0I8 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais.
50 Article 174b, 3° du code pénal Livre II tel que complété et modifié par la loi n°06 / 0I8 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais.
51 Articles 172,173 et 174 du code pénal Livre II tel que complété et modifié par la loi n°06 / 0I8 du 20 juillet
2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais.
52 Article 174b du code pénal Livre II tel que complété et modifié par la loi n°06 / 0I8 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais.
d’offrir, d’obtenir, de fournir, de se procurer ou d’utiliser un enfant à des fins sexuelles contre rémunération ou toute autre forme d’avantages. Par enfant, il faut entendre toute personne âgée de moins de dix-huit ans, sans considération de sexe53.
Le souteneur est toute personne qui vit en tout ou partie aux dépens d’une personne dont il exploite la prostitution54. L’infraction de souteneur et proxénétisme vise ceux à qui profite la prostitution.
§4. De la prostitution forcée
La prostitution forcée55 est une catégorie de violences sexuelles. Elle est définie comme le fait d’amener une ou plusieurs personnes à accomplir, sous la contrainte, des actes de nature sexuelle en vue d’obtenir un avantage pécuniaire ou autre.
§5. Du harcèlement sexuel
Le harcèlement sexuel56 est l’adoption d’un comportement persistant envers autrui, se traduisant par des paroles, des gestes soit en donnant des ordres ou en proférant des menaces ou en imposant des contraintes, soit en exerçant des pressions graves, soit en abusant de l’autorité que confère les fonctions pour obtenir des faveurs de nature sexuelle.
La poursuite de l’infraction de harcèlement sexuel est subordonnée à la plainte
de la victime. Il n’y a pas de saisine d’office en matière de harcèlement sexuel.
§6. De l’esclavage sexuel
L’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes. Nul ne peut être tenu en esclavage ni dans une condition analogue57. L’esclavage sexuel58 est le fait d’exercer
l’un ou l’ensemble des pouvoirs associés au droit de propriété sur une personne. Il peut s’agir
53 Article 2 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, in JO/RDC, n° Spécial, 50ème
année, Kinshasa - 25 mai 2009.
54 B. CIZUNGU MUGARUKA, Op. cit, p.465.
55 Article 174c du code pénal Livre II tel que complété et modifié par la loi n°06 / 0I8 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais.
56 Article 174b du code pénal Livre II tel que complété et modifié par la loi n°06 / 0I8 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais.
57 Article 16 point 3 de la constitution de 18 février 2006 telle que modifiée et complétée à ce jour, in JO/RDC, n° Spécial, 52ème Année, Kinshasa - 5 février 2011
58 Article 174e du code pénal Livre II tel que complété et modifié par la loi n°06 / 0I8 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais.
notamment de détenir, d’imposer une privation similaire de liberté, d’acheter, vendre, prêter, troquer une personne pour des fins sexuelles et de la contraindre à accomplir un ou plusieurs actes de nature sexuelle.
Le coupable peut encourir une servitude pénale de cinq à vingt ans et une amende de deux cent mille francs congolais constants. La loi n° 09/011 du 10 janvier 2009 organise l’esclavage sexuel d’un enfant59. Il est puni d’une peine allant de dix à vingt ans de servitude pénale principale et une amende de huit cent mille à un million de francs congolais. Lorsque le père ou la mère, le parâtre ou la marâtre ou toute personne exerçant l’autorité parentale sur l’enfant est condamné pour cette infraction, le juge a la faculté de le déchoir de l’autorité parentale60.
L’infraction d’esclavage sexuel est de la compétence du tribunal de grande instance, une juridiction nationale. Mais faut-il encore qu’elle ne soit pas constitutive d’un crime contre l’humanité ou d’un crime de génocide pour ne pas échapper à la juridiction nationale de droit commun. La prescription de cette infraction est décennale. L’infraction d’esclavage sexuel est imprescriptible lorsqu’elle constitue un élément des crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou de crime de génocide61.
§7. Du mariage forcé
L’infraction de mariage forcé s’entend de toute personne qui, exerçant l’autorité parentale ou tutélaire sur une personne mineure ou majeure, l’aura donnée en mariage, ou en vue de celui- ci ou l’aura contrainte à se marier. La minorité de la victime en constitue une circonstance aggravante.
L’infraction de mariage forcé62 relève de l’article 336 du code de la famille et
est aussi prévue par l’article 174f du code pénal congolais tel que modifié et complété par la
59 Article 183 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, in JO/RDC, n° Spécial, 50ème
année, Kinshasa - 25 mai 2009.
60 Article 184 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, in JO/RDC, n° Spécial, 50ème
année, Kinshasa - 25 mai 2009.
61 Le tribunal pénal international pour le Rwanda, TPIR en sigle dans les affaires Semanza et Akayezu a retenu
l’esclavage sexuel comme élément de crime de génocide. De même, le tribunal pénal international pour la Yougoslavie, TPIY en sigle l’a retenu comme élément de crime de guerre dans l’affaire Tapovolki ; cité par B. CIZUNGU MUGARUKA, Op. cit, p.278.
62 Article 174f du code pénal Livre II tel que complété et modifié par la loi n°06 / 0I8 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais.
loi n° 06/018 du 20 juillet 2006. Partant de la disposition du code de la famille, l’infraction est de la compétence du tribunal de paix. Par contre, au regard de l’article 174f du code pénal congolais tel que modifié et complété par la loi n° 06/018 du 20 juillet 2006, cette infraction est une des catégories des violences sexuelles.
§8. De la mutilation sexuelle
La mutilation sexuelle63 peut être définie comme le fait de poser un acte qui porte atteinte à l’intégrité physique ou fonctionnelle des organes génitaux d’une personne64. La mort de la victime en constitue une circonstance aggravante.
L’infraction de mutilation sexuelle est de la compétence du tribunal de paix. Elle est prescrite dans le délai de trois ans. Quand la mutilation a eu pour conséquence la mort, vu les peines assorties, le tribunal de grande instance est l’instance juridictionnelle compétente.
§9. De la zoophilie
La zoophilie65 est le fait d’avoir volontairement des rapports sexuels avec un animal. C’est aussi le fait d’avoir, par ruse, violences, menaces ou par toute autre forme de coercition ou artifice, obligé une personne à avoir des relations sexuelles avec un animal66.
L’acte contre nature de zoophilie est de la compétence du tribunal de grande instance. Cela est évident au regard du taux de la peine. L’action publique relative à cette prévention est prescriptible dans le délai de dix ans après la commission des faits.
63 Article 174g du code pénal Livre II tel que complété et modifié par la loi n°06 / 0I8 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais.
64 Article 153 al.3 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, in JO/RDC, n° Spécial,
50ème année, Kinshasa - 25 mai 2009.
65 Article 174h du code pénal Livre II tel que complété et modifié par la loi n°06 / 0I8 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais.
66 Alinéas 1er et second de l’article 174h du code pénal Livre II tel que complété et modifié par la loi n°06 / 0I8 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais.
§10. De la transmission délibérée des infections sexuellement transmissibles incurables
La transmission délibérée des infections sexuellement transmissibles incurables67 peut être définie comme la contamination délibérée d’une personne d’une infection sexuellement transmissible incurable. La contamination est la transmission d’une maladie infectieuse d’un sujet affecté à un sujet sain. Ici, elle s’entend comme l’action d’une personne qui souille en toute conscience une autre par une infection provoquée à la faveur des relations sexuelles68. L’infection c’est la pénétration et le développement dans un être vivant des micro- organismes qui peuvent provoquer des lésions en se multipliant et éventuellement en sécrétant des toxines ou en se propageant par voie sanguine69.
Les peines d’une servitude pénale à perpétuité et d’une amende de deux cent mille francs congolais constants sont prévues. Les auteurs, coauteurs et complices de ce crime sont poursuivables devant le tribunal de grande instance. Le délai nécessaire à la prescription de cette infraction est décennal. Au cas où cette spécificité de violences sexuelles est constitutive d’un crime de guerre, d’un crime contre l’humanité ou d’un génocide, elle est imprescriptible.
§11. Du trafic et de l’exploitation d’enfants à des fins sexuelles
L’infraction de trafic et exploitation d’enfants à des fins sexuelles70 est définie comme tout acte ou toute transaction ayant trait au trafic ou à l’exploitation d’enfants à des fins sexuelles moyennant rémunération ou un quelconque avantage.
Le tribunal de grande instance est compétent pour juger l’infraction de trafic et exploitation d’enfants à des fins sexuelles. Comme, elle est punissable d’une peine minimale de dix ans et maximale de vingt ans, à ce titre, l’action publique requiert le délai nécessaire de
dix ans pour être éteinte.
67 Article 174i du code pénal Livre II tel que complété et modifié par la loi n°06 / 0I8 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais.
68 B. CIZUNGU