L’objectif de ce travail empirique est d’identifier les déterminants de la rentabilité financière (ROE) des banques commerciales en République Démocratique du Congo (RDC). Afin d’identifier ces déterminants, nous utilisons la méthode de moindre carré ordinaire (MCO) pour estimer un modèle à effet fixe et à effet aléatoire sur les données en panel. L’échantillon de ce travail est composé de trois banques congolaises, à savoir : la Banque Commerciale Du Congo (BCDC), la RawBank, et la Trust Merchant Bank (TMB) ; observées toutes sur une période allant de 2005 à 2015. Les déterminants de la rentabilité financière sélectionnés en conformité avec la théorie économique et les études empiriques récentes comportent des variables de nature exogènes et des variables de nature endogènes. Les résultats des estimations montrent que tous les déterminants retenus dans le modèle, à savoir le volume de crédit, le taux de croissance de l’économie congolaise, la capitalisation, le coefficient d’exploitation, le volume de dépôt et l’inflation affectent significativement la rentabilité financière, et sont conforme à nos anticipations, à l’exception du ratio crédit/dépôt, et la taille de la banque, qui sont non significatifs.
Suite au développement que connaissent les systèmes financiers des plusieurs pays africains, des nombreux auteurs tels que Brahim Mansouri et Saïd Afroukh (2009), Athanasoglou et al. (2006), Ben Naceur (2003), Abreu et Mendes (2002), Berger et al. (1987) (système bancaire aux Etats-Unis), ont réalisé des études sous différentes formes pour identifier les déterminants de la rentabilité financière des banques commerciales.
Sous d’autres cieux comme par exemple en France (Raoudha Béjaoui Rouissi), au Maroc (Brahim Mansouri), en Tunisie, aux USA (Berger et al.), en Grèce (Mamatzakis et Remoundos), des nombreuses études empiriques ont été réalisées dans le but d’identifier les déterminants de la rentabilité de banques commerciales. D’une manière générale, dans ces études, la rentabilité de capitaux propres (ROE) et la rentabilité des actifs (ROA) ont été retenues pour capter la performance des banques étudiées. Les études faites dans ce domaine ont été réalisées dans les pays développés mais également dans les pays en voie de développement.
Brahim Mansouri et Saïd Afroukh (2009) ont mené une étude au Maroc ; l’échantillon retenu était de cinq principales banques marocaines observées sur la période 1993- 2006. Il ressort de leur étude que la rentabilité des actifs (ROA), est affectée négativement par les charges générales des banques. Les fonds propres des banques étudiées ont un effet négatif sur la rentabilité des actifs. Alors que le volume des crédits distribués est favorable à la profitabilité des banques. Il existe également une relation négative entre la taille des banques et la rentabilité des actifs. La taille du secteur bancaire marocain a un impact négatif sur la rentabilité des banques commerciales au Maroc. Il ressort aussi de cette étude que le développement du marché de capitaux a un effet positif sur la rentabilité des banques. En ce qui concerne les variables macroéconomiques, la croissance économique et l’inflation affectent positivement la rentabilité des banques marocaines.
Samir Abderrazek Srairi (2009) a réalisé une étude pour identifier les facteurs qui influencent la rentabilité des banques Saoudiennes. Son étude était basée sur le modèle à effet fixe pour un échantillon formé d’un panel de dix banques commerciales Saoudiennes observées sur une période allant de 1999 à 2007. Les résultats obtenus indiquent l’existence d’une relation positive entre la rentabilité et les facteurs internes suivants : adéquation du capital, allocation des dépôts et la taille de la banque. L’étude révèle aussi l’effet négatif du coefficient net d’exploitation et de la liquidité sur la performance des banques. Il a également trouvé que les facteurs externes qui agissent positivement sur les indicateurs de rentabilité (ROE, ROA) sont : le taux de croissance du PIB et l’évolution du secteur bancaire. Quant aux variables relatives au risque de crédit, à la croissance du taux d’inflation et du taux interbancaire, les conclusions des estimations économétriques montrent que leur effet est faible et non significatif sur la rentabilité des banques.
En RDC, il est à noter que, le nombre d’études empiriques faites dans ce domaine est encore très faible. Celle de portée réellement scientifique, observant la même méthodologie n’ont pas été identifiées. Cette situation serait peut-être due d’une part au fait que les réformes monétaires et bancaires n’ont vu le jour que tardivement en RDC ; et d’autre part au fait que l’accès aux données chiffrées concernant les banques est très difficile. Mais, une étude empirique sur les déterminants de la rentabilité des banques commerciales a été réalisée et défendue par KOLI MBO Rolly à l’UNIKIN pour l’obtention de son diplôme de licence en gestion financière. Son étude couvrait une période allant de 2006 à 2012 et portait sur 6 banques commerciales de la RDC. La rentabilité des banques était mesurée par ROA ; le modèle avait sept variables indépendantes, à savoir : la taille de la banque, l’inflation, le PIB par habitant, le crédit accordé, les capitaux propres, la taille du secteur bancaire et la concentration bancaire. Il ressortait de son étude que, la taille de la banque, les capitaux propres, le crédit impactaient négativement la rentabilité des banques congolaises. Pour ce qui concernait la croissance économique et l’inflation avaient un impact positif sur la rentabilité ; et pour finir la taille du secteur bancaire congolais et la concentration bancaire affectaient négativement la rentabilité des banques.
Notre étude se démarque des études citées ci-haut dans la mesure où, d’une part dans notre étude la rentabilité des banques commerciales est captée par ROE. Le choix de cette variable pour capter la rentabilité de banques commerciales dans notre étude est justifié par le fait que les actionnaires sont plus intéressés par la rentabilité financière des leurs investissement. Une banque qui affiche une rentabilité financière élevée signifie qu’elle rémunère mieux les fonds de ses actionnaires ; et d’autres parts notre étude a une dimension temporelle plus longue à savoir 2005 à 2015 ; mais aussi parce que nous intégrons dans notre analyse des nouvelles variables telle que les dépôts, le coefficient d’exploitation (CIR), la liquidité et levier financier.
Il est à noter également que notre étude se démarque des autres études du point de vue taille de l’échantillon. Car en effet notre étude porte sur un échantillon de trois banques commerciales et le contexte dans lequel étude se réalise est différent de celui des autres études réalisées précédemment : le secteur bancaire de la RDC commence à se consolider, et la réglementation bien qu’encore flexible devient de plus en plus exigeante.
Problématiques
Pendant plusieurs années, les pays Africains et plus particulièrement la RDC ont connu un sous-développement économique accompagné d’un sous-développement financier. Plusieurs auteurs sont d’accord que ces deux concepts sont liés.
Le système financier congolais dominé par le secteur bancaire, fut paralysé durant des nombreuses années par plusieurs maux (récession économique, mauvais climats des affaires, guerre civile, etc.), causant ainsi un retard très remarquable à la RDC dans le cadre du développement du système financier.
Néanmoins, avec la reprise de la croissance économique depuis 2002 le système bancaire congolais connait un développement remarquable. Ce développement se manifeste par la création de plusieurs nouvelles banques instaurant ainsi la concurrence entre les banques, la mise en place d’une réglementation rigoureuse du système bancaire et l’accroissement des activités bancaires en RDC. A titre d’exemple, en 2010, le système bancaire congolais comptait 22 banques commerciales contre moins d’une quinzaine avant 2005 ; le nombre de comptes bancaires ouverts est passé de 30 000 en 2005 à 350 000 en 2010 (OCDE, 2011, p.12). Le taux de croissance du secteur bancaire du pays est très élevé depuis quelques années, le total des actifs bancaires étant passé d'à peine 300 millions d'USD en 2002 à 4,1 milliards d'USD à la fin 2013 (Banque Européennes de développement, rapport annuel mars 2016, p. 91). Ces différents chiffres illustrent à quel point le système bancaire congolais connait un développement.
(Pascal Kinduelo Lumbu Février 2016) : « Le secteur bancaire congolais est entré en ébullition : augmentation significative du nombre de banques, extension rapide des réseaux d’agences, croissance exponentielle du nombre de comptes bancaires, exploitation des nouvelles technologies de l’information et de la communication dont la monétique, l’internet banking, l’electronic banking et, depuis peu, la banque digitale et ses nombreuses déclinaisons. Les banques sont entrées dans l’ère d’un marketing bancaire proactif et déploient des offres de produits et services spécifiquement adaptées aux segments de clientèle pour lesquels elles adoptent de nouvelles démarches commerciales. L’environnement bancaire se métamorphose ; les banques qui ne suivront pas le mouvement ou ne s’adapteront pas aux nouveaux besoins du marché sont appelées à disparaître ».
Selon le rapport numéro 15/263 du Fonds Monétaire International (FMI) la rentabilité sectorielle moyenne du secteur bancaire congolais en 2012 fut de 27,8%, en 2013 elle était de 28,4% et en 2014 la rentabilité moyenne sectorielle était estimée à 23,4%. Selon le rapport de la Fédération Bancaire Française (FBF) publié en 2014, la rentabilité financière moyenne du système bancaire français était de 5,9%. Durant la même période la rentabilité financière moyenne du système bancaire américain était de 8,1%, et celle du système bancaire européen était de 3,3%.
Ces chiffres nous montrent que le système bancaire congolais est très rentable ; d’où il est nécessaire d’étudier les déterminants de la rentabilité des banques congolaises. La problématique que nous nous sommes engagés à élucider par la présente étude s’articule autour de la question principale suivante : « La consolidation du secteur bancaire congolais en explique-t-elle l’amélioration de la rentabilité ? ». Pour mieux élucider nos réflexions, nous tenterons de répondre aux questions spécifiques suivantes : 1. Quels sont les déterminants endogènes de la rentabilité financière du Système Bancaire en République Démocratique du Congo ? 2. Quels sont les facteurs explicatifs exogènes de la rentabilité financière des banques commerciales congolaises ?
1.2.3 Déterminants empiriques de la rentabilité d’une banque commerciale : Cas de la RDC, étude faite par KOLI MBO Rolly en 2013
L’étude faite sur les déterminants de la rentabilité financière d’une banque commerciale en RDC a été réalisée Rolly KOLI Mbo en 2013. Son étude portait sur un panel dynamique composé de six banques commerciales de la RDC à savoir : BIAC ; BCDC ; RAWBANK ; TMB ; PROCREDIT BANK. L’étude couvrait une période allant de 2006 à 2012.
La rentabilité de banques de son échantillon était mesurée par ROA. L’objectif principal de son étude fut celui de déterminer les facteurs explicatifs de la rentabilité des banques commerciales. Le modèle de son étude comptait sept variables indépendantes, à savoir : Taille de la banque, inflation, PIB par habitant, ratio crédit accordé, ratio capitaux propres, taille du secteur bancaire et concentration bancaire.
Sa question de recherche était : Etant donné qu’en RDC, les banques évoluent dans une situation de concurrence, quels seraient les principaux déterminants de leur rentabilité ?
Les hypothèses de son étude furent les suivantes : Les caractéristiques de la banque et du secteur bancaire seraient les principaux facteurs explicatifs de la rentabilité des banques ; L’environnement économique serait déterminant de la rentabilité des banques.
CHAPITRE 2 : ANALYSE FACTUELLE DE LA RENTABILITE FINANCIERE DES BANQUES CONGOLAISES
Les activités bancaires en République Démocratique du Congo sont réglementées et définies par la Loi n°003/2002 du 02 février 2002 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit. Au-delà de règlementer les activités bancaires ladite loi définit également ce qu’on entend par une institution bancaire en RDC.
En République Démocratique du Congo, la loi relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit, définit les établissements de crédit (qui comprennent aussi les banques) comme des personnes morales qui effectuent à titre de profession habituelle des opérations de banque, à, savoir : - la réception et la collecte des fonds du public ; - les opérations de crédit ; - les opérations de paiement et la gestion des moyens de paiement.
Sont considérés comme fonds reçus du public, les fonds qu‘une personne recueille d’un tiers, notamment sous forme de dépôt, avec le droit d’en disposer pour son propre compte, mais à charge pour elle de les restituer. Est appelée « opération de crédit », tout acte par lequel une personne, agissant à titre onéreux, met des fonds à la disposition d’une autre personne, ou prend dans l’intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu’un aval, un cautionnement ou une garantie. Sont considérés comme moyens de paiement, tous les instruments qui, quel que soit le support ou le procédé technique utilisé, permettent à toute personne de transférer les fonds.
Il est impossible de parler de l’existence d’une banque ou même d’une activité bancaire au sens où on l’entend aujourd’hui en RDC pendant la période coloniale. En 1908, lorsque les territoires composant l'Etat Indépendant du Congo sont cédés à la Belgique, il n'existe aucune banque sur l’étendue du territoire national.
Il faudrait attendre 1909 pour voir la création de la toute première banque en RDC sous la dénomination de la Banque du Congo Belge une société anonyme de droit belge ; créer par l’Etat Belge associé aux autres banques belges.
L’analyse du système bancaire congolais révèle que ce dernier s’est caractérisé par trois périodes distinctes.
De 1990 à 1995, les banques commerciales ont connu des difficultés en raison de l’hyperinflation, de la décote, de l’insolvabilité et maque de liquidité bancaire, du nonfinancement des activités de production ainsi que de la naissance de la désintermédiation financière et de la dollarisation.
De 1996 à 2001, le constat était que les activités financières s’exerçaient hors banques. La restructuration du système bancaire congolais s’imposait. C’est ainsi que plusieurs banques malades ont été chassées de la chambre de compensation, et cet évènement marqua le début des pourparlers pour la réforme de tout le système financier à travers une réforme de la loi bancaire.
De 2002 à nos jours, la première observation est la promulgation de la loi bancaire ainsi que du nouveau statut de la Banque Centrale du Congo. Aussi, plusieurs banques qui étaient initialement chassées de la chambre de compensation furent finalement liquidées. Cet assainissement a permis le retour accentué à l’intermédiation financière et à l’agrémentation de plusieurs nouvelles banques.
Selon le rapport officiel de la Banque Centrale du Congo, la RDC compte actuellement 20 banques commerciales repartis sur l’ensemble du territoire national. Le tableau de liste des banques commerciales agrées en RDC est présenté dans l’annexe du présent travail ; voir annexe tableau 2.
Notre échantillon porte sur trois banques de cette liste, à savoir : La Banque Commerciale du Congo (BCDC) ; la RawBank ; et la Trust Merchant Bank. Notre choix porte sur ces trois banques d’une part parce qu’elles fournissent toutes les données que nous avons besoin pour réaliser notre étude ; et d’une part parce qu’elles sont les élites du système bancaire congolais en termes de chiffre d’affaire et d’actifs.
Présentation de la Banque Commerciale du Congo (BCDC)
L’histoire de la BCDC est liée à celle du système bancaire congolais en ce sens que la BCDC fut la toute première banque créée en République Démocratique du Congo. L’histoire de la BCDC a commencé en 1909 par la création de la toute première banque en RDC sous la dénomination de la Banque du Congo Belge en sigle BCB ; qui fut une société anonyme de droit belge ; créée par l’Etat Belge associé aux autres banques belges.
Deux ans plus tard, soit en 1911 grâce au décret du 18 juillet 1911, la Banque du Congo Belge obtient l’autorisation d’émettre la monnaie sur l’ensemble du territoire congolais de 1911 à 1952 ; Au même moment, les actionnaires de la Banque du Congo Belge créèrent une nouvelle banque afin de reprendre les opérations auxquelles son aînée devait renoncer. Il s’agissait de la Banque Commerciale du Congo, à savoir la BCDC.
Depuis sa création en 1911, la BCDC se fortement développer. En analysant et en regardant certains éléments du bilan de la BCDC, comme le total des actifs, les charges d’exploitation, les fonds propres ; et tant d’autres indicateurs, on peut confirmer cette évolution.
Le présent tableau ci-dessus montre l’évolution que connait la BCDC depuis 2009. En regardant le même tableau, on sait voir que le total du bilan de la banque augmente d’une année à l’autre. La même conclusion peut être tirée pour les autres éléments de ce tableau à savoir le dépôt bancaire, les fonds propres, et le crédit à décaissement ; ils ont tous connus une évolution positive depuis 2009.
La RawBank appartient à la famille RAWJI. Cette famille indienne investie en RDC depuis quatre générations. Elle a su bâtir au fil du temps un imposant conglomérat : commerce et distribution (Beltexco, Prodimex, Proton), industrie (Sogalkin, Marsavco), etc. Le chiffre d’affaire global annuel de la famille est estimé à plusieurs centaines de millions de dollars des Etats Unis d’Amérique selon le magazine Forbes apparue en novembre 2015. La RawBank crée en 2002 est l’actif principal de la famille RAWJI.
Lors de la clôture de son premier bilan, le 31 décembre 2003, RAWBANK affichait un total de bilan d’USD 33 millions. Douze exercices plus tard, ce montant passe le cap symbolique du milliard… Dans le même temps, les dépôts passent d’USD 20 à 733 millions et le produit net bancaire d’USD 2,3 à 92,3 millions. Ces trois indicateurs de performance ont évolué à un rythme similaire, multipliés respectivement par 33, 37 et 40 en douze ans.
Depuis sa création en 2002 la RawBank, n’a pas arrêté de croitre. Aujourd’hui elle est considérée comme étant la plus grande banque de la RDC avec : 20% de parts de marché bancaire congolais, plus de 261 730 comptes bancaires gérés, plus d’un milliard de dollars de total de bilan, un produit net bancaire de plus de 92 millions de dollars ; à la fin de l’exercice 2015.