La République Démocratique Congo (R.D.C), longtemps engagée dans le processus de la croissance économique et du développement, se trouve à cette ère de la mondialisation considérée parmi les pays pauvres. Cela prouve le paradoxe eu égard aux diverses potentialités que regorge le pays.
Bien qu'universellement reconnu comme inaliénable, le droit à l'éducation n'est malheureusement pas encore assuré à tous, et surtout aux citoyens des couches sociales démunies en R.D.C. Notre pays traverse une crise sociopolitique et économique qui a affaibli l'Etat, le rendant incapable de remplir ses responsabilités dans divers domaines dont celui de l'éducation qui nous intéresse dans le cadre de ce travail.
Ces dernières années, le secteur de l'éducation de la R.D.C est caractérisé par l'exigence de la prise en charge financière de l'éducation à tous les niveaux par les parents des élèves et étudiants. Cette contribution est devenue obligatoire et consacrée par le concept de partenariat entre les parents d'élèves et les établissements scolaires et universitaires d'enseignement.
Cependant, les difficultés liées à la modicité des salaires des parents (pour ceux qui travaillent), à l'irrégularité de payement de ces salaires, au chômage et à l'insuffisance des revenus ménagers, ont placé beaucoup de parents dans l'incapacité de prendre en charge la scolarité de leurs enfants.
Si la science est la source du savoir, c’est l’enseignement qui diffuse ce savoir et en rend possible l’application aux tâches pratiques de la production économique. Le relèvement rapide de l’Europe après de la deuxième guerre mondiale n’aurait pas été possible sans la masse du savoir que ce continent avait à sa disposition.
Julius NYERERE, qui était enseignant avant de devenir le premier Président de la Tanzanie a dit que : « l’éducation n’est pas un des moyens d’échapper à la pauvreté, c’est le seul moyen de combattre la pauvreté. Bien plus, le bilan du développement des nouveaux pays industrialisés montre que l’essor spectaculaire de la région est dû essentiellement à la qualité et à la quantité de son capital humain et intellectuel ». Cela veut dire que sans l’éducation, le développement ne peut se faire sur une base large ni durable.
Il y a un lien fort étroit entre l’éducation et le développement économique, pour être plus précis, de l’instruction de la population et le développement économique. C’est ce que disait l’économiste GALBRAITH dans la revue Afrique 2000 en 1994 « il n’y a pas dans ce monde de population éduquée qui soit pauvre et il n’y a pas de population illettrée qui ne soit pas pauvre . Cette théorie est vérifiable jusqu’aujourd’hui car l’on constate que tous les pays où les taux de scolarisation sont faibles sont des pays pauvres.
S’il est incontestable que l’éducation est un facteur clé du développement économique, nombreux sont les pays en développement qui ont connu pourtant bien de désillusions en ce qui concerne la valeur économique de l’éducation.
En R.D.C par exemple, avant l’indépendance, l’éducation était parmi les secteurs prioritaires, en plus de son caractère obligatoire et presque gratuit. En ce temps-là, le produit intérieur brut (PIB) de la R.D.C. était le même que celui du Canada et de la Corée du Sud.
Vers 1980, le programme d’ajustement structurel (PAS) a permis de réduire la part des dépenses publiques qui revenait à l’éducation passant de 28% à 3%. De 2001 à 2010, cette part a été en moyenne de 0,9% . On a observé une diminution du taux moyen de croissance annuelle des effectifs au primaire qui était de 4,7% entre 1960 et 1977 à 1,4% de 1978 à 1987 ; et une décroissance de la production intérieure brute de 1,5%.
En 1991 et 1993, l’éducation a été victime de pillage, beaucoup d’écoles existantes ont été détruites et leurs immeubles et équipements ont été saccagés et pillés. Il en a été de même à chaque guerre qui s’est imposée au pays allant jusqu’à enrôler des enfants soldats et accentuant ainsi le problème des enfants de la rue et des enfants orphelins.
En plus de ces situations désastreuses, l’enseignement primaire et secondaire, censé développer une aptitude au travail à chaque individu, occupe une moindre considération dans la politique de gouvernance, et reste non obligatoire et non gratuite en violation de la loi cadre de l’enseignement national promulguée en 1986. Cette loi dispose à son article 09 que « l’Etat a l’obligation d’assurer la scolarisation des enfants au niveau d’enseignement primaire et de veiller à ce que tout congolais adulte sache lire, écrire et calculer ». Plusieurs inégalités se fondent autour de l’éducation par la façon dont les ménages se transforment en source de financement pour le bon fonctionnement de ce secteur.
La dégradation du système éducatif congolais trouve en partie son origine dans les faits suivants : la vétusté et le délabrement des infrastructures scolaires ; le vieillissement et la démotivation du corps enseignant ; la modicité du budget alloué à l’éducation qui ne tient pas compte de la croissance démographique.
A la lumière de ce qui précède, il convient de s’interroger si le système éducatif et sa politique en R.D.C sont efficaces pour une éducation qui permette le développement économique ? Si la réponse est non, comment permettre à l'éducation d'être un moteur de développement économique dans notre pays ? Voilà les questions qui, dans les lignes qui suivent exigent des réponses.
CHAPITRE II : ANALYSE DU SYSTEME EDUCATIF CONGOLAIS
Le système éducatif de la R.D.C est géré par trois ministères : Ministère de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Professionnel (MEPSP), Ministère de l’Enseignement Supérieur et Universitaire (MESU) et Ministère des Affaires Sociales (MAS).
La situation de l'enseignement en RDC n'est plus un secret pour personne. Pour ne prendre que le développement du capital humain de la RDC, il est nettement en retard sur l'accroissement de la population et les besoins de plus en plus grands d'une économie moderne. Depuis un bon bout de temps, le système éducatif s'est dégradé. Si un grand nombre de diplômés d'université, généralement bien formés, a fait son apparition depuis l'indépendance, aujourd'hui l'enseignement fondamental et les services de la santé de base se sont appauvris quantitativement et qualitativement.
Après avoir remporté la bataille de la quantité en ouvrant ses portes aux enfants congolais, l'école congolaise doit encore relever le défi de la qualité de son enseignement, dont les performances sont jugées les plus faibles de la planète.
Ce pays qui comptait l'un des taux les plus élevés d'universitaires et qui a formé la plupart des « élites » d'Afrique, vit actuellement des heures sombres. La belle époque a pris fin dans les années 1974.
Sachant que l'enseignement est la base de la société et malgré les potentialités humaines et la motivation, la RDC n'arrive pas à arrêter l'hémorragie. Plusieurs raisons sont à l'origine de cette situation catastrophique (faible budget alloué à ce secteur, insuffisance des ressources, pauvreté des parents, non-paiement des enseignants,...).
Dans ce chapitre, il est question de faire une présentation du système éducatif à travers son évolution historique, sa structuration, son financement, ainsi que les causes de sa détérioration.
II.1 EVOLUTION DU SYSTEME EDUCATIF EN R.D.C
Depuis l’accession de la R.D.C à l’indépendance, le système éducatif a parcouru un long chemin marqué par les reformes de 1961 et 1962. Celles-ci ont conduit à des réalisations significatives, particulièrement en ce qui concerne le développement quantitatif (établissements scolaires et effectifs) tant dans le secteur public que privé. Au cours des trois dernières décennies du siècle, le nombre d’écoles publiques a été multiplié par cinq dans les cycles primaire et secondaire et par quatre dans le cycle supérieur et universitaire.
L’enseignement privé a pris une telle ampleur qu’il représente aujourd’hui, en termes quantitatifs, le principal pourvoyeur des services d’éducation formelle, surtout dans les grandes villes.
Cependant, du point de vue de l’efficacité, le système est marqué par des taux de déperdition élevés. On observe par ailleurs d’énormes disparités entre les provinces, les milieux socio-économiques et les sexes.
La R.D.C a hérité de la colonisation un système éducatif ayant une base large au niveau primaire mais un enseignement secondaire peu développé et un enseignement supérieur embryonnaire. On peut subdiviser l’évolution de ce système en quatre périodes.
II.I.1 Période 1960 - 1965
La première période qui va de 1960 à 1965 est caractérisée par la volonté de mettre en place un système éducatif répondant aux ambitions d’un nouvel Etat indépendant. Deux reformes ont marqué cette période : la reforme de l’enseignement secondaire de 1961 et celle de l’enseignement primaire de 1962.
La reforme du secondaire a donné naissance à une structure promotionnelle avec un premier cycle dit « cycle d’orientation » conduisant soit vers un cycle court soit vers un cycle long comportant chacun une diversité de sections et d’options.
L’un des objectifs de la réforme était de rompre avec la sélection et l’orientation précoces qui caractérisaient l’ancien système afin de drainer le plus d’enfants possibles vers les études secondaires et plus tard vers les études supérieures. Les programmes d’études ont été revus et depuis lors, toutes les options du cycle secondaire long donnent accès à l’enseignement supérieur, contrairement à ce qui se passait à l’époque coloniale.
Pour le primaire, la reforme a porté sur l’unification des structures et programmes afin de mettre fin à la distinction jugée discriminatoire entre, d’une part, les écoles primaires dites ordinaires et les écoles primaires sélectionnées et, d’autres part, les écoles des filles et celles des garçons. Le programme d’études a aussi été revu en référence au plan d’étude belge de 1958 qu’on a adopté aux réalités congolaises.
Pendant cette période, l’enseignement supérieur et universitaire a aussi connu une certaine expansion, notamment avec la création, à Kisangani (1961) de la troisième université (Université libre du Congo) d’obédience protestante, et la création de plusieurs instituts d’enseignement supérieur. En 1965/1966 on comptait déjà cinq instituts supérieurs pédagogiques et neuf instituts supérieurs techniques alors qu’il n’y avait qu’un seul institut supérieur à l’époque coloniale.
II.I.2 Période 1965 - 1975
La deuxième période va de 1965 à 1975 est marquée par plusieurs initiatives entreprises pour matérialiser la volonté de l’autorité politique du nouveau régime (celui du 24 novembre 1965) de « donner une priorité absolue à la recherche des solutions aux problèmes de l’éducation28 »
Il faut cependant signaler l’institution, en 1967, de l’examen d’Etat sanctionnant la fin des études secondaires et l’abolition, en 1972, des examens sélectifs à la fin du primaire et du cycle d’orientation. La période est caractérisée par un accroissement sensible des effectifs et un effort financier remarquable de l’Etat ; mais surtout une forte emprise de l’Etat sur le système qu’il voulait contrôler totalement. C’est à partir de 1971 que l’Etat a accentué son emprise sur le système éducatif.
Le premier acte dans ce sens a été la nationalisation de toutes les universités et les instituts d’enseignement supérieur qui ont été regroupés dans un ensemble dénommé « université nationale du Zaïre » (UNAZA en sigle). Le deuxième acte a porté sur la suppression des réseaux confessionnels d’enseignement, l’abolition du cours de religion et son remplacement par celui de l’éducation civique et politique (1974), et la nationalisation de toutes les écoles primaires et secondaires en 1974. Le troisième acte a été la décision prise en 1974, de confier toutes les écoles maternelles au parti unique (Mouvement Populaire de la Révolution, MPR). A partir de ce moment, l’enseignement privé n’avait plus droit de cité dans le pays. Ces faits traduisaient la volonté exprimée par le chef de l’Etat, en 1973, de « révolutionner » le système éducatif .
II.I.3 Période 1975 - 1990
La troisième période (1975-1990) est marquée par la fin des initiatives du pouvoir pour révolutionner le système éducatif. Confronté à la pression sociale et à plusieurs contraintes, notamment en matière de capacité de gestion des structures éducatives, l’Etat a décidé de confier la gestion des écoles étatisées aux églises (en 1976 pour les Eglises catholiques, protestantes et Kimbanguistes et, en 1979, pour la communauté musulmane).
En 1978, l’enseignement privé a été de nouveau autorisé pour les niveaux maternels, primaires et secondaires, mais l’enseignement supérieur est demeuré un monopole de l’Etat. Ce n’est qu’à partir de 1989 que la création des établissements privés d’enseignement supérieur et universitaire a été à nouveau autorisée. Ce mouvement de privatisation et décentralisation a été étendu à l’enseignement supérieur et universitaire par la reforme de 1981 qui a consacré l’éclatement de l’université nationale du Zaïre. Chaque établissement d’enseignement supérieur et universitaire a retrouvé son autonomie avec cependant un regroupement au niveau des conseils d’administration.
C’est au cours de cette période que date l’adoption, en 1986, de la loi cadre n° 86- 005 de l’enseignement national du 22 septembre 1986. Dans les années 80, on a institué des conseils de gestion des établissements d’enseignements primaire et secondaire avec une représentation de parents, des enseignants et des délégués des autorités politico administratives locales, pour finaliser les cycles d’études on a lancé sans beaucoup de succès une réforme de l’enseignement primaire et secondaire.