Dans la plupart des pays du Sud, l’agriculture demeure la principale activité exercée par la majeure partie de la population. Selon le Programme Spécial de la Relance Agricole (P.S.R.A), en RD Congo, le secteur agricole emploie plus de 70% de la population active (Ministère de l’agriculture, pêche et élevage ; 2008).
Malgré la forte proportion de la population impliquée dans le secteur agricole des pays en développement, ce secteur est souvent sous développé. En nous référant aux cercles vicieux de Nurkse, le sous-développement rural et agricole de ces pays est dû au manque des capitaux, ce qui explique un faible niveau de production agricole, un bas niveau de revenu des agriculteurs, une insuffisance d’épargne, et donc un faible niveau d’investissements dans le secteur agricole.
Pour essayer de briser ces cercles vicieux, plusieurs alternatives ont été envisagées. La première est le recours au secteur informel ; ce dernier est composé entre autres des tontines et des prêts individuels. Cependant, le faible niveau de ressources financières et le taux d’intérêt usuraire de ces prestataires financiers limitent le financement de l’économie rurale en général et de l’agriculture en particulier. Il convient de signaler qu’en RD Congo spécialement, ces prestataires s’adressent surtout aux besoins de survie des personnes impliquées et de leurs proches.
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’au milieu des années 70, la deuxième alternative de financement rural était inspirée par les théories économiques keynésiennes. Elle reposait sur une forte intervention de l’Etat et privilégiait le crédit agricole public (Wampfler. B et al, 2008).
Le crédit agricole public avait un certain nombre d’objectifs, entre autres, financer l’innovation et le développement de la production agricole ; réduire l’influence des usuriers dans les économies rurales et stimuler la demande de crédit à travers des taux d’intérêts faibles souvent subventionnés.
D’une manière générale, le crédit public n’avait pas atteint ses objectifs ; le taux d’impayés des institutions financières publiques s’était largement accru et nombreuses de ces institutions ont dû fermer. En RD Congo, nous pouvons citer l’exemple de la Banque de Crédit Agricole (BCA) qui était destinée à financer les exploitations agricoles (Ministère de l’agriculture, pêche et élevage ; 2008).
Face aux échecs du crédit agricole public, dans les années 80, la dernière alternative inspirée par la théorie économique néoclassique était préconisée dans le marché financier. Cette théorie prône la libéralisation du taux d’intérêt ; ce qui favorise l’allocation optimale des ressources. Cette dernière consiste à affecter les ressources uniquement aux agents et aux activités ayant une bonne capacité de les rentabiliser (Wampfler B et al, 2008).
Dans l’approche de libéralisation, la première hypothèse était que les banques commerciales de pays en développement puissent contribuer au financement du monde rural en général et de l’agriculture en particulier. Cependant, l’accès aux services bancaires est conditionné par l’existence des garanties préalables. Ainsi, le manque des collatéraux par des agriculteurs en milieux ruraux fait que ces deniers ne puissent pas bénéficier des services bancaires (Wampfler. B et al, 2008).
La seconde hypothèse est que la microfinance qui vise à fournir des services financiers aux exclus de la finance classique puisse contribuer au financement de l’agriculture dans les pays du Sud. C’est cette hypothèse qui fait l’objet de notre travail, spécialement dans le contexte de la RD Congo.
0.2. Problématique
Depuis les années soixante dix, la microfinance ne cesse de prendre de l’ampleur ; son importance se fait sentir aussi bien dans les milieux urbains et suburbains que ruraux. De nos jours, la microfinance offre un certain nombre de produits à savoir le microcrédit, l’épargne, la micro assurance, le transfert d’argent, le crédit bail, le crédit habitat, etc.
En RD Congo, les zones rurales sont presque dépourvues des structures de proximité formelles. La majorité de la population rurale étant constituée par les agriculteurs, les institutions financières qui évoluent dans les zones rurales, ciblent principalement les paysans. C’est le cas de la Coopérative Mayombe qui est une Coopérative Primaire d’Epargne et de Crédit agréée par la Banque Centrale du Congo et qui a comme vocation première de fournir des services financiers aux paysans du district du Bas-Fleuve dans la province du Bas-Congo.
Quand bien même la microfinance a pris de l’ampleur dans les pays du Sud, la relation entre la microfinance et l’agriculture pose problème à cause d’une part de l’inadaptation des échéances de la microfinance aux cycles de production agricole et d’autre part à cause des risques covariants que caractérise le secteur agricole.
De ce qui précède, nous tirons la principale préoccupation de notre travail qui se décline en ces termes : « dans quelles conditions la COOPEC Mayombe peut-elle contribuer significativement au financement de l’agriculture du district du Bas-Fleuve »?
Pour y parvenir, il est nécessaire de répondre aux sous-questions suivantes : Quels sont les principaux facteurs de succès de la microfinance agricole ? Comment est-ce que la COOPEC Mayombe répond-t-elle aux besoins des paysans dans le district du Bas-Fleuve ? Quelles sont les pistes de solutions que cette coopérative peut exploiter pour améliorer davantage son efficacité dans la microfinance rurale en général et celle agricole en particulier ?
Il existe plusieurs IMF qui ont réussi dans le financement de l’agriculture des pays du Sud. Dans ce chapitre nous allons nous focaliser sur l’expérience des Caisses d’Epargne et de Crédit Agricole Mutuelle (CECAM) du Madagascar qui est une des références en microfinance agricole. Pour ce faire, nous tâcherons d’abord de situer CECAM dans son contexte historique (section 1), ensuite nous en en analyserons l’évolution et les principaux axes stratégiques (section 2) et enfin les modes opératoires face aux problèmes de financement de l’agriculture (section 3).
Avant de tracer l’historique des CECAM, nous avons jugé bon de présenter d’abord le contexte agricole et financier malgache dans lequel est né CECAM. L’agriculture est le principal secteur de l’économie Malgache ; elle représentait environ 30% du PIB en 1998 et occupait 62% de la population active. Cette agriculture était plus exercée par les agriculteurs familiaux et environ 40% de la production agricole malgache provenait du riz.
Quant au contexte financier, nous avons noté que de 1975 à 1990, le secteur financier malgache était étatisé. A partir de 1990, le gouvernement malgache avait décidé de libéraliser le secteur financier et jusqu’en 1996, le Madagascar comptait six banques commerciales. Ces dernières n’étaient bénéfiques qu’aux entreprises et moins de 10% des ménages malgaches disposaient d’un compte bancaire. La majorité des agriculteurs familiaux s’adressaient au secteur informel où les taux annuels des prêts variaient entre 100 à 400%.
L’existence d’asymétrie d’information est devenue une hypothèse cruciale dans les analyses modernes du fonctionnement du marché de crédit. On parle de sélection adverse quand certaines caractéristiques de l’emprunteur ne sont pas parfaitement connues du prêteur, mais affectent sa probabilité de remboursement du crédit. Les modèles de référence de la littérature supposent, par exemple, que les emprunteurs ont une information privée qui concerne soit leurs caractéristiques intrinsèques (Jaffee et Russel, 1976), soit les caractéristiques de leurs projets d’investissement (Stiglitz et Weiss, 1981).
C’est dans le but de permettre aux agriculteurs familiaux malgaches d’accéder à un financement adéquat que deux ONG, l’une Malgache Association pour la Valorisation, l'Exploitation et l'Aménagement de la Moyenne Mania (AVEAMM) et l’autre Française (FERT) ont signé un partenariat en 1980. Ce partenariat a permis à l’AVEAMM d’accorder des crédits solidaires aux agriculteurs malgaches durant la période 1986-1989. Vu la réussite du crédit solidaire, en 1989, les groupes d’agriculteurs se sont réunis pour créer une association paysanne régionale appelée Fikambanana Fampivoarana Tantsaha « FIFATA en sigle». En 1990, cette association est arrivée à la création des premières Caisses d’Epargne et de crédit au Madagascar.
Les exploits réalisés par FIFATA ont suscité l’attention de plusieurs bailleurs qui ont mis leurs fonds à la disposition de cette association. En 1993, FITATA s’organise de manière autonome et prend l’appellation de Caisses d’Epargne et Crédit Mutuels (CECAM). Cette appellation existe encore jusqu’aujourd’hui et les structures mises en place sont toujours opérationnelles.
L’évolution de cette institution a été satisfaisante, après six ans d’existence (en1999), CECAM était devenue la première institution de financement de l’agriculture malgache (J.H. FRASLIN, 2000). Le tableau ci-dessous présente l’évolution de quelques indicateurs de portée pendant les dix premières années.
Le réseau a connu une croissance continue et forte de tous les principaux indicateurs de portée. Son encours de crédit est le premier indicateur qui a connu une forte croissance, en dix ans d’existence, il a été multiplié par 2 583 ; le nombre de ses membres ainsi que celui des crédits ont été multiplié respectivement par 142 et 136. Le nombre de caisses quant à lui a été multiplié par 14.
En décembre 2002, son encours de crédit brut s’élevait à 3,2 millions des dollars américains et son Portefeuille à Risque à 30 jours (PAR>30j) était de 4,05%. Son niveau de couverture des charges d’exploitation à partir des produits d’exploitation (hors subvention) était de 82,92% .
La réussite des CECAM dans la microfinance a été fondée sur trois éléments : l’offre des crédits adaptés aux besoins des agriculteurs ; l’augmentation du capital à travers l’épargne préalable au crédit et une bonne politique de décentralisation (J.H. FRASLIN, 2000).
Jusqu'en 2002, le réseau CECAM octroyait 5 principaux types des crédits : le crédit de production ; la Location Vente Mutualiste; les Greniers Communs Villageois ; le crédit dépannage et les crédits commerciaux.
Ce crédit finance les dépenses de culture (les semences, engrais, main d’œuvre, etc.) et d’élevage. Les remboursements de crédit ne se font que durant la période de récolte. La durée du cycle de crédit varie entre 4 à 10 mois et le taux mensuel varie également de 2,5 à 3,5%.
Il y a trois catégories de personnes qui interviennent dans la LVM à savoir le locataire (membre- emprunteur) ; le bailleur (CECAM) et le fournisseur. Le locataire choisit l’équipement dont il a besoin et verse un minimum de 10 à 25% de la valeur de l’équipement ; le réseau CECAM analyse le dossier et passe la commande au fournisseur et ce dernier livre l’équipement au locataire.
la Fédération des Paysans du Fouta Djalon (FPFD) en Guinée
En 1992, environ 13 500 producteurs des pommes de terre se sont regroupés pour former la FPFD. Cette Fédération vise à fournir les intrants agricoles à ses membres à des conditions compatibles avec le cycle de production agricole. La FPFD a été accompagnée par plusieurs bailleurs de fonds dont les Volontaires Européens pour le Développement (VED), le Projet de Développement Agricole (PDA), l’Agence Française pour le Développement (AFD) et le Comité Catholique contre la Faim et pour le développement (CCFD). Cette OP dispose de trois filières ; la filière de la pomme de terre créée en 1992, la filière des oignons créée en 1995 et celle des tomates créée en 1998. En dehors de trois filières principales, les paysans complètent leurs productions avec d’autres produits comme les riz, maïs et arachides. La FPFD accorde trois types des crédits : le crédit d’intrant ; le crédit de dépannage et le crédit pour investissement. Le crédit d’intrant représente la quasi-totalité des crédits accordés ; l’échéance de remboursement est de 6 mois ; cette échéance coïncide avec la période de commercialisation et le taux d’intérêt annuel est de 30%. Le crédit dépannage permet d’aider les paysans qui rencontrent des difficultés ponctuelles au cours de leur exploitation alors que le crédit d’investissement permet aux paysans d’acquérir les matériels agricoles. La campagne de 2000-2001 avait connu un taux de remboursement de 98%
FINANCEMENT DE L’AGRICULTURE PAR LA COOPEC MAYOMBE
Ce chapitre décrira des caractéristiques respectivement de l’agriculture et de la microfinance, dans le district du Bas-Fleuve (section 1 et 2) avant de s’appesantir sur l’expérience de la COOPEC Mayombe dans le financement des activités rurales et agricoles (section3).
L’agriculture du Bas-Fleuve comprend à la fois les cultures vivrières et maraîchères ainsi que des cultures pérennes (cacaoyer, caféier, hévéa, etc.). Les cultures vivrières et maraîchères ont un cycle de production ne dépassant pas généralement une année, alors que celui de cultures pérennes dépasse souvent 5 ans. Compte tenu de la brièveté d’échéances qui caractérise la microfinance, cette section, se limite au niveau de principales cultures vivrières et maraîchères et présente également l’organisation des paysans dans ce district.
2.1.1. Principales cultures vivrières dans le Bas-Fleuve
Selon l’étude menée par le Centre National d’Appui au Développement et à la Participation Populaire (CENADEP 2008), le manioc, le maïs, l’arachide, la banane et le taro sont les principales cultures vivrières. Elles représentent environ trois quart de cultures vivrières de ce district comme l’indique le tableau ci-dessous.
Les paysans du district Bas-Fleuve se regroupent généralement dans les Organisations Paysannes (OP). Ce district compte environ 960 OP dont la moitié évolue dans l’agriculture (CENADEP, 2008).
Les membres travaillent souvent de manière individuelle et bénéficient des avantages du groupe notamment l’encadrement technique, l’appui financier, les intrants et les équipements agricoles, etc.
En dehors des ONG, il existe aussi des institutions étatiques nationales et internationales qui accompagnent les agriculteurs. C’est le cas de l’Institut National pour l’Etude et la Recherche Agronomique (INERA) et FAO qui fournissent aux agriculteurs des semences améliorées. Dans le même ordre d’idée, nous avons noté la présence de la Banque Africaine de Développement qui construit des entrepôts pour les OP précisément dans le territoire de Seke Banza.
Les services financiers en général et la microfinance en particulier restent sous développée dans ce district, seulement 11 % et 30% de la population ont déjà eu accès respectivement au crédit en espèce et à l’épargne (Kalala F., 2010) .
Actuellement, la messagerie financière s’est largement développée dans ce district, dans la quasi-totalité de cités, il y a la présence de « l’Amis Fidèles » qui est une des Messageries Financières les plus connues par la population. Il y a donc moyen de signer un partenariat entre les IMF et les messageries financières.