Notre recherche porte sur l’étude des déterminants de la transparence financière des entités en République Démocratique du Congo : cas des RVA, LMC et SCTP. Depuis quelques années, la transparence financière est devenue de plus en plus une préoccupation des acteurs économiques, c’est-à-dire des investisseurs, des banquiers, des actionnaires, etc.
Dans la littérature financière, la transparence est souvent analysée par la théorie de la gouvernance de BERLE, A. et MEANS, G. qui ont au début des années 30 aux USA, mis en évidence le fait que les dirigeants pouvaient gérer les entreprises qui leur étaient confiées en privilégiant leur intérêt au détriment de celui des actionnaires. Ensuite, les réflexions sur la théorie de l’agence de JENSEN, M., et MECKLING, ( ) sont venues appuyer les idées de BERLE et MEANS.
Originellement, la gouvernance d’entreprise s’inscrit dans la perspective d’un contrat par lequel une ou plusieurs personnes (le principal) recourt au service d’une autre personne (le mandataire) pour accomplir quelques services en leur nom.
Aujourd’hui et dans la plupart de cas, la transparence financière est devenue l’un des piliers de la gouvernance d’entreprise. Elle est fonction non seulement des déterminants économiques et financiers mais aussi et surtout juridique, notamment le cadre légal et règlementaire d’exercice de la profession comptable.
En effet, en République Démocratique du Congo, le processus de mise en place d’un Ordre devant régir la profession comptable a commencé depuis l’époque coloniale.
Cependant, c’est à partir de 1978 que le Conseil Permanent de la Comptabilité au Congo, en sigle « CPCC », organe d’avis et de conseils du gouvernement en matière de comptabilité, a eu à élaborer les premiers projets des textes légaux et règlementaires, relatifs à l’organisation de la profession comptable, qui, malheureusement n’ont pas abouti. Depuis plusieurs décennies, l’exercice de la profession comptable n’était pas règlementé dans notre pays. On a assisté à la création de plusieurs organisations professionnelles privées, lesquelles ont évolué sous forme des associations sans but lucratif « ASBL ». C’est le cas notamment de l’institut de Reviseurs Comptables « IRC », la plus ancienne des organisations professionnelles, créée en 1992, regroupant les reviseurs comptables et, cette dernière évoluait en partenariat avec l’institut de Reviseurs d’entreprises de Belgique « IRE », la Convention Régionale des Experts Comptables du Congo « COREXCO », réunissant les professionnels comptables de Bas-Congo, l’ordre des experts comptables indépendants du Congo « OECIC ».
L’OECIC réunissait les experts comptables de Kinshasa, l’ordre National des Experts Comptables de la partie-Est du pays, en sigle « ONEC », l‟Association des Experts Comptables Assermentés regroupant les experts comptables agréés par les Cours et tribunaux, etc.
La transparence financière constitue l’élément essentiel du développement économique durable des nations car elle contribue à mettre en place une stabilité économique, propice au développement économique durable ( ).
Elle améliore la gouvernance et contribue à réduire la corruption, la possibilité de la fraude et de l’évasion fiscales; ingrédients nécessaires à la croissance économique et à l’émergence des nations ( ). Elle améliore aussi bien le fonctionnement de l’économie (confiance dans les entreprises voire meilleures possibilités de développement et de financement, comparaison avec les autres entreprises du même secteur, étude d’impact de modifications législatives/fiscales) que de l’État (Respect des lois, perception de l’impôt et statistiques nationales) (4).
En outre, la transparence financière responsabilise le management des entreprises et donne confiance aux différentes parties prenantes (les propriétaires de l’entreprise, le personnel, les créanciers, les financeurs, les partenaires commerciaux c’est-à-dire les fournisseurs, les clients et l’Etat). Le développement économique nécessite davantage de transparence, tant au niveau quantitatif (états financiers fiables, plus faciles à lire et plus exhaustifs) que qualitatif (nécessité de commentaires sur la bonne gouvernance, le contrôle interne, les informations sociales et environnementales) (5).
Dans la plupart de pays, toutes les entreprises cotées en bourse ou non ont l’obligation légale de produire les états financiers annuels et les faire vérifier et certifier par un professionnel comptable (Expert-comptable, auditeur externe, Réviseur comptable ou d’entreprise etc., exerçant le mandat de Commissaire aux comptes) et remplissant les conditions légales pour l’exercice du mandat.
Par ailleurs, l’objectif d’une mission d’audit est de permettre au professionnel comptable d’exprimer une opinion selon laquelle les états financiers annuels ont été établis dans tous leurs aspects significatifs, conformément à un référentiel comptable identifié. Comme le stipulent les normes internationales d’audit et de mission d’assurance de l’IFAC (International Federation of Accoutants), pour exprimer une opinion, l’auditeur externe emploie la formule « donne une image fidèle » ou « présente sincèrement dans tous leurs aspects significatifs », qui sont des expressions équivalentes.
Ainsi donc, l’opinion du professionnel comptable renforce la crédibilité voire la confiance à accorder aux états financiers publiés, par les entités en fournissant une assurance élevée, mais non absolue et ce grâce à une transparence financière, notamment à une meilleure qualité de l’information comptable publiée au travers des comptes sociaux audités. Le professionnel comptable a un rôle direct à l’égard de l’entité contrôlée, mais également un rôle indirect à l’égard des tiers de l’entreprise contrôlée. Il ne peut à lui seul garantir la transparence financière, s’il n’est pas appuyé par la loi, qui lui confère une légitimité dans l’action, et la déontologie professionnelle, qui lui impose une ligne de conduite à suivre.
Le rôle du professionnel comptable, à l’égard de l’entreprise et de ses actionnaires, est de contrôler la sincérité et la régularité des comptes annuels établis par elle-même et, par extension, l’ensemble de l’information financière qu’elle peut être amenée à communiquer. Le professionnel comptable, en tant que contrôleur des entités, contribue à entretenir un climat sécurisé des affaires, en raison du caractère réglementé et indépendant de sa mission et des obligations qui lui ont été conférées par la loi, notamment à travers la procédure de révélation des faits délictueux auprès du Procureur de la République.
En outre, Il fait partie de l’ensemble d’acteurs, interconnectés au sein d’une dynamique économique, qui ne peut croître que si chacun exerce ses prérogatives avec légitimité et conscience. Progressivement, le professionnel comptable a été investi d’une mission d’intérêts général de contrôle et de surveillance au profit non seulement des actionnaires mais aussi de toute personne qualifiée à apprécier la situation financière des entités (créanciers, fournisseurs, banquiers, investisseurs éventuels, etc.).
Les Ordres professionnels comptables jouent le rôle de catalyseur de la croissance voire du développement économique des nations. Conscient de la nécessité et de l’importance de l’information comptable et financière fiable et claire dans la prise de décision de tout investisseur et du rôle combien déterminant de la profession comptable dans la fiabilité des états financiers des entités, considérées comme moteur de l’économie nationale, les professionnels comptables sont appelés à relever les défis de la croissance économique de la République Démocratique du Congo en garantissant la transparence financière aux entités.
C’est dans ce cadre que la loi n°15/002 du 12/02/2015, portant création et organisation de l’ordre National des Experts Comptables « ONEC » a été promulguée par le Chef de l’Etat pour pallier les insuffisances relevées ci-haut. La mise en application de cette loi a été rendue possible par les Arrêtés du Ministre des Finances n°16/CAB/MINFINANCES/2015 du 22 mai 2016 et n°17/CAB/MINFINANCES/2015/019 du 24 juillet 2015 portant respectivement organisation d’une commission spéciale chargée de l’agrément des premiers membres de l’Ordre National des Experts Comptables et nomination des membres de ladite commission.
Le cadre légal et règlementaire d’exercice de la profession comptable constitue un Déterminant juridique important pour garantir la transparence financière des entreprises à côté d’autres déterminants économico-financiers tels que la gouvernance, la performance financière, l’éthique, l’évaluation, etc.
Cependant, en dépit de la mise en place d’un cadre légal et règlementaire d’exercice de la profession comptable en RD Congo, la difficulté de garantir la transparence financière aux entités demeure toujours. Notre thématique générale de recherche tente donc de répondre à la question suivante : quels sont les principaux déterminants de la transparence financière des entités dans le contexte congolais? Notre axe de recherche peut –être détaillé à travers les sous questions suivantes : comment les déterminants économiques, financiers et juridiques ont-ils influencé la transparence financière des entités en RD Congo? le cadre juridique d’exercice de la profession comptable a-t-il une influence plus significative par rapport aux déterminants économiques et financiers pour garantir la transparence aux entités?
Section 1ère : Cadre conceptuel et revue de littérature sur la transparence financière et l’information comptable et financière
Depuis plus d‟une vingtaine d‟années, l‟étude de la transparence financière, de l‟information financière et de la gouvernance d‟entreprise a constitué le thème central de la finance d‟entreprise. C‟est ainsi que des théories concernant la transparence financière, considérée comme pilier de la gouvernance d‟entreprise, ont été développées.
Cependant, la question du comportement voire des déterminants de la transparence financière des entités avec en toile de fond, le cadre légal et règlementaire de beaucoup de pays, reste un sujet d’actualité et a attiré notre attention. Des études récentes à la fois théoriques et empiriques autour de cette problématique ont été menées par beaucoup de chercheurs et dans différents contextes du monde entier. C’est le cas notamment de XIAO, en 2004, DEBRECENY en 2002, MARSTON et POLEI en 2005, PERVAN en Croatie en 2006, NATUREL au Royaume Uni et en France en 2006, etc. La revue de ces études montre que la transparence joue un rôle très déterminant dans la gouvernance.
L’objectif de ce chapitre est de mettre en évidence la relation entre la transparence Financière, l’information financière et la gouvernance. Pour ce faire, ce chapitre est subdivisé en trois (3) sections suivantes : • la théorie sur la transparence financière et la revue des études empirique (1ère Section), • la communication financière, l‟information financière et comptable (2ème section), • et enfin la gouvernance d‟entreprise (3ème section).
1.1.1. Théorie sur la transparence financière et revue de la littérature empirique
La transparence est aujourd’hui une exigence dans toutes les sphères de la société. Elle prend son origine du monde des sociétés des capitaux. On retrouve le terme de transparence tous les jours dans les médias, que ce soit à la rubrique politique, économique ou même scientifique.
La transparence est devenue une quête universelle dans un contexte où les financements publics se font de plus en plus rares et où le public manifeste une certaine méfiance et un avantage concurrentiel décisif pour assurer leur pérennité. Dans un contexte où les financements publics se font de plus en plus rares et où le public manifeste une certaine méfiance et un avantage concurrentiel décisif pour assurer leur pérennité.
De plus, les entités reposent sur l’éthique et la recherche de l’intérêt général, valeurs qui ne sont reconnues que si elles s’inscrivent dans la durée et sont prouvées quotidiennement au monde extérieur. C’est dans ce cadre que nous nous intéressons depuis longtemps à la transparence des entités. Le dialogue avec les parties prenantes est devenu un passage obligé pour les entités, qui veulent assurer leur légitimité et leur continuité.
Les parties prenantes sont des personnes qui se considèrent impliquées de près ou de loin dans les activités de l’entité et qui, à ce titre, souhaitent y exercer un droit de regard. Restreint dans le passé aux pouvoirs publics notamment l’Etat et Collectivités Territoriales, le cercle des parties prenantes s’est aujourd’hui élargi à toutes les composantes de la société civile.
La transparence, à tout prix, comporte des risques importants dont nous constatons déjà certaines prémices. Il convient d’être vigilant vis-à-vis d’une approche globalisante et imprécise ; toutes les entités ne sont pas égales devant la transparence, et une même entité n’est pas uniformément transparente à tous égards.
Tout dire pourrait rendre l’entité vulnérable. A l’inverse, ne rien communiquer laisse la place aux doutes. Un juste équilibre doit donc être trouvé.
Le monde connaît depuis quelques décades une période de transformation des institutions - publiques et privées. Cette transformation est fondée sur une culture de «bonne gouvernance» à vocation universelle. Elle est axée sur l’efficacité et l’efficience de l’action ainsi que sur la reddition des comptes, dont la philosophie d’ensemble relève du concept de transparence. Celui-ci évoque la clarté, la lisibilité et l’absence d’éléments occultes, obscurs ou cachés. Il est censé - dans un contexte «idéal» - caractériser les pratiques économiques des agents privés mais également les opérations financières des personnes publiques. En fait, l’expression a d’abord investi la scène politique internationale avec la «Glasnost» (transparence en russe) de l’ancien Président GORBATCHEV. Elle a été initiée en 1985 et a abouti à l’éclatement de l‟ex-URSS au nom de la transparence des institutions et de la restructuration économique, l’ensemble portant le nom de «Perestroïka» (reconstruction, restructuration en russe).
Par la suite, la culture de la transparence s’est propagée dans le monde entier et a touché tous les domaines et notamment les opérations financières, tant publiques que privées. Dans ce sens, le FMI publiait en 1998 déjà un «Code de transparence budgétaire» où il énumérait les meilleurs pratiques constatées de par le monde en la matière et dans lequel il incitait les Etats à rejeter l’opacité et à promouvoir une culture de l’information. C’est le seul moyen pour s’assurer de la durabilité des politiques budgétaires et de l’efficacité des dépenses publiques.
Cette tendance connaît par ailleurs une actualisation aiguë dans un cadre «mondialisé» au sein duquel les marchandises, mais également les concepts et les idées circulent librement conformément aux règles du marché, ce qui conduit les Etats à en adopter les valeurs (économie de marché notamment).
La transparence contribue à améliorer la gouvernance et permet de réduire la corruption, les possibilités de la fraude, la contrebande et l‟évasion fiscale ( ).
Les trois dimensions de la transparence sont : - la gouvernance : un préalable à la transparence, - l‟information financière : une transparence plus aboutie, - l‟évaluation : sa capacité de remise en question.
Même si la notion de transparence recouvre des notions communes à toutes les entités, elle se décline de façon différente selon les enjeux et le périmètre de chaque organisme. La perception de la transparence et de ses exigences, la réglementation qui leur est appliquée et les attentes de leurs interlocuteurs sont donc spécifiques. De manière générale, la transparence est la qualité de ce qui laisse paraître la réalité toute entière, de ce qui peut être vu et connu de tous.
La notion de transparence évoque des réalités différentes selon les contextes et les interlocuteurs. Elle peut être approchée d’un point de vue général ou expert, sous un angle juridique et réglementaire, du point de vue de la clarté des objectifs de l’entité, de la lisibilité de ses comptes, de l’efficacité de sa communication, du caractère démocratique de son fonctionnement, de l’efficience de ses actions. Le sens de l’expression a évolué dans le temps.
En effet, la pression du Collectif et les scandales des années 90, ont provoqué une prise de conscience de la nécessité de la transparence dans les entités. Des mesures ont été adoptées et des habitudes nouvelles ont été générées au sein des entités et de leurs partenaires avec le développement des textes légaux et réglementaires et de contrôles efficaces. La notion de transparence recouvre avant tout des thèmes non financiers liés au fonctionnement de l’entité et à ses projets.
Ainsi, la transparence est un comportement global, qui suppose la lisibilité de son identité et de ses objectifs, l’accessibilité de sa communication et un fonctionnement « ouvert et participatif ». La transparence n’est rien sans l’éthique et un fonctionnement démocratique.
La transparence financière se trouve, en effet, depuis quelques temps, au cœur des débats qui traitent les rôles des actionnaires, des dirigeants et des autres parties prenantes dans les entreprises d’une part et d’autre part elle contribue à mettre en place une stabilité économique, propice au développement économique durable des nations. Plusieurs études récentes estiment les coûts financiers et économiques d’une mauvaise information de la part des sociétés d’une part et d’autre part l’impact du régime d’information financière sur la croissance économique.
C’est pourquoi, nous nous sommes vu dans l’obligation, en tant que Chercheur, d’essayer de parcourir les travaux de ceux qui ont mené des études dans le domaine de la transparence financière afin d’examiner leur apport en cette matière. C’est le cas notamment de : RAYAN, XIAO, VIRGIER, etc
a) RAYAN, G et ZINGALES, I (1998), ont utilisé l’indice de divulgation élaboré par le Center International Financial Analysis and Research (CIFAR) et ils ont confirmé que les industries les plus tributaires des financements externes croissent plus lentement dans les pays dont le système de divulgation est relativement médiocre.
Ils constatent également que la création d’entreprise est limitée lorsque l’opacité est très prononcée, preuve que l’anti sélection peut réduire la croissance et l’innovation dans les pays dont le système de divulgation n’est pas de bonne qualité.
e) JENSEN, M MECKLING, W, dans leur article intitulé: « theory of the firm : Managerialbehavior, Agency costs and ownership structure », ont étudié le problème du gouvernement des entreprises et de la transparence financière sur un échantillon de cent trente (130) entreprises. Ils ont affirmé que l‟un des moyens pour garantir la qualité de l‟information financière, fournie par les états financiers, est le contrôle exercé par les auditeurs. En effet, l‟audit permet de réduire les coûts d‟agence entre les différentes parties prenantes de l‟organisation (notamment les créanciers, les managers et les actionnaires) en réduisant le risque d‟erreurs ou d‟approximation dans les états financiers ( ).