Par Konso Mulali

Le secteur bancaire congolais émerge d’une crise sévère et profonde qui l’a secoué depuis le début de la décennie 1990. Elle a été la résultante d’un faisceau des facteurs internes (microéconomiques), sectoriels et externes (macroéconomiques) à la gestion des banques. Du point de vue microéconomique, la crise s’est traduite entre autre par une augmentation excessive des risques financiers et non financiers, l’explosion du portefeuille des prêts improductifs, le poids des créances douteuses, l’asymétrie des bilans, bref une gestion insuffisante des banques. Sur le plan sectoriel, plusieurs facteurs inhibiteurs ont affecté le secteur bancaire congolais durant la décennie 1990, à savoir : (i) la pratique par la Banque Centrale des taux d’intérêts négatifs en termes réels pour le financement des banques commerciales donnant ainsi lieu à des subventions implicites ; (ii) la faible qualité de la supervision bancaire révélée par l’insuffisance structurelle des fonds propres prudentiels des banques ; (iii) une règlementation bancaire obsolète ; (iv) les condamnations des banques à des dommages dépassant largement le niveau de leur capital et fonds propres ; (v) le recours par la Banque Centrale à certains instruments directs de la politique monétaire tel que le plafonnement des crédits faussant, de ce fait, le jeu de la concurrence dans le secteur bancaire et limitant le potentiel de certaines banques.

Ainsi, dès 2002, au bénéfice du retour de l’économie sur un sentier de croissance conjuguée à une stabilité macroéconomique et institutionnel et grâce également à l’appui des partenaires extérieures dont le Fonds Monétaire, un vaste plan de réforme basé sur la mise en place d’un cadre réglementaire et la restructuration fut adoptée. Ce train des mesures d’assainissement ont permis d’un côté, de liquider les banques jugées non viables et de l’autre, d’assurer les conditions d’émergence des activités bancaires attestées par le bilan agrégé des banques qui est passé de 11 millions à fin décembre 2000 à 1,9 milliards de USD à fin décembre 2010 avant de passer à 2,8 milliards de USD en 2011. Chiffrés respectivement à 5,2 et 37,1 millions de USD à fin décembre 2000, les crédits octroyés et les dépôts mobilisés par le secteur bancaire ont totalisé plus de 800 millions et 1,4 milliards de USD fin décembre 2010. Quant au nombre d’institutions financières bancaires, les statistiques bancaires font état d’une augmentation impressionnante du nombre des banques et il en résulte une concurrence et une compétitivité sans pareille. A titre illustratif, leur nombre est passé de 11 à 20 entre 2006 et 2012. Cette évolution illustre la reprise nette et indiscutable de l’intermédiation bancaire. Cependant, le taux d’emploi des dépôts sous forme des crédits demeure très faible, soit 42,1% en 2009, contre une moyenne africaine située à 73% pour la même période. S’interrogeant sur la problématique de l’intermédiation financière et de la croissance économique en République Démocratique du Congo (RDC), Kodila et Konso (2013) confirment le sous-financement de l’économie par les banques. En effet, ils ne trouvent aucun effet positif de l’intermédiation financière sur la croissance durant ces trois dernières décennies. Ce résultat est corroboré par le constat de la Banque Mondiale qui révèle que moins de 1% de la population a accès à une banque commerciale et seulement 7 % des entreprises font recours aux banques pour financer leurs investissements. L’explication de ce résultat de Kodila et Konso (2013) pourrait provenir de la santé du système bancaire .

La lecture des états financiers des banques en 2010 révèle que sur dix-neuf banques en activité en RDC, seulement huit ont réalisé des résultats positifs, une banque a réalisé un résultat nul et dix banques ont enregistré des pertes considérables. En 2011, sur les dix-neuf banques en activité, sept banques ont terminé l’année avec un résultat négatif. Pour l’ensemble du secteur, note Simone Schwarz (2011), dans une étude sur les difficultés des institutions financières pour accorder du Crédit en République Démocratique du Congo, la rentabilité est en diminution. Entre 2006 et 2010, la rentabilité des fonds propres (ROE) est passée de 142 % à 56,2 %. Pendant la même période, la rentabilité des actifs (ROA) a diminué de 15,9 % à 9,4 %. Et il s’est situé à 0,5% à la fin 2011, un taux faible par comparaison aux banques limitrophes, et parmi les plus bas dans la région subsaharienne note la Banque Mondiale (2013). Si ces pertes se justifient en partie par l’engagement des coûts inhérents à l’installation et au développement des activités bancaires dans un pays-continent qu’est la RDCongo, sa persistance nous rappelle que la crise bancaire n’est pas complètement résorbée et que le secteur bancaire peut toujours retomber dans les travers du passé évoqués ci-haut et cela, avec des conséquences incalculables sur l’ensemble de la société. Ce risque est renforcé par l’entrée de nouvelles banques Si ces pertes se justifient en partie par l’engagement des coûts inhérents à l’installation et au développement des activités bancaires dans un pays-continent qu’est la RDC, leur persistance nous rappelle que la crise bancaire n’est pas complètement résorbée et que le secteur bancaire peut toujours retomber dans les travers du passé évoqués ci-haut et cela, avec des conséquences incalculables sur l’ensemble de la société. Ce risque est renforcé par l’entrée de nouvelles banques susceptibles d’obérer la rentabilité des banques existantes et à la stabilité de l’ensemble du système financier. Bien plus, ce faible niveau de rentabilité constitue un obstacle sérieux à tout processus de déploiement des banques sur toute l’étendue du territoire national.

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